....entre Brin d'amour et Le nègre et l'amiral de R.Confiant.....j'avais choisi le moins copieux....reculant le moment d'entrer dans le vif du sujet : l'Amiral Robert....
j'ai commencé par sa page Wikipédia :
quand...
"En outre, il assure la protection d’un stock de 286 tonnes d’or de la Banque de France évacué de métropole".....
je n'ai jamais entendu parler de cette histoire d'or...
le magot était gardé dans le Fort Desaix
"
Durant la Seconde Guerre mondiale, sous l'administration du Haut-Commissaire de Vichy dans les Antilles, l'amiral Georges Robert, le fort abrite 286 tonnes d'or de la Banque de France, apportées par le croiseur Émile Bertin. À l'origine, cette réserve d'or était destinée au Canada.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fort_Desaix_(Martinique)
cette page Facebook nous dit qu'il y avait 350 tonnes
350 tonnes d'or en Martinique en 1940
Au début de la seconde guerre mondiale, devant l'avancée allemande, la France charge le croiseur Emile Bertin d'amener l'or de la Banque de France à Halifax au Canada. Le premier voyage se passe bien. Cependant, le second périple, en marge de la signature de l'Armistice par le Maréchal Pétain, se passe moins bien. A Halifax, les Alliés décident de ne pas laisser le navire repartir avec son chargement d'or, inquiets de ce que la France pourrait en faire.
Face à cette nouvelle donne, le croiseur Emile Bertin est sommé de partir pour la Martinique, mais la Royal Navy menace le navire de ses canons. Le commandant Battet, à force de négociation, de ruse et de persuasion, va parvenir à franchir le barrage établi au port d'Halifax, le 23 juin 1940. Aucun coup de feu ne sera tiré, mais l'Emile Bertin sera pris en chasse par un autre croiseur lourd, le Devonshire. L'or de la Banque de France sera « sauvé » grâce à la nuit et à la puissance des machines du croiseur français qui ralliera Fort-de-France dès le 24 juin. La cargaison d'environ 350 tonnes d'or (en lingots) sera stockée dans plus de 9 000 caisses de 35 kg chacune, pour faciliter la manutention, dans une salle souterraine du Fort Desaix située dans l'enceinte de l'Ecole militaire interarmées (EMIA).
-L'or va rester dans le fort Desaix jusqu'au début de 1946......
Il y a cette très intéressante interview.....paru en 2004
Vichy vaincu par la pression populaire
Face au zèle déployé par les autorités locales pour appliquer les lois de Vichy, de très nombreux Antillais entrent en dissidence et rejoignent la Résistance. Fait exceptionnel, les deux îles se libèrent sans aucune aide extérieure. Entretien avec l'historien Eric Jennings, auteur de Vichy sous les tropiques (Grasset)
Si loin de la France et du conflit qui débute en Europe, en quoi les Antilles constituent-elles un enjeu de la Seconde Guerre mondiale?
Rappelons d'abord que c'est tout l'empire colonial qui représente un enjeu stratégique énorme. A l'été 1940, la France est envahie, mais l'empire, lui, est indemne. Toute la question est de savoir de quel côté - Vichy ou la France libre? - il va basculer. Comme on le sait, le Guyanais Félix Eboué, alors gouverneur du Tchad, se rallie dès le début à la France libre. Ce qui, par un «effet domino», fait basculer toute l'Afrique-Equatoriale française (le Tchad, l'actuel Congo-Brazzaville, le Gabon, l'actuelle République centrafricaine) dans le camp de De Gaulle. Résistant de la première heure, Eboué lui apporte sur un plateau un bon morceau des possessions françaises d'Afrique! Quant au reste de l'empire, à l'exception notable de la Nouvelle-Calédonie (lire page VIII), des Nouvelles-Hébrides (actuel Vanuatu) et des comptoirs de l'Inde, il choisit le camp de Vichy. La destinée de la Martinique et de la Guadeloupe est étonnante, dans la mesure où, bien que situées au coeur de la zone d'influence américaine, elles se rallient tout d'abord à Pétain. Le contexte le permet: au début de la guerre, les Etats-Unis ne participent pas au conflit. Les administrateurs coloniaux peuvent donc choisir le camp de Vichy sans être inquiétés. Les populations locales, elles, ne sont pas consultées. Si elles l'avaient été, il ne fait guère de doute qu'elles auraient choisi le camp de la France libre.
Comment pouvez-vous l'affirmer?
C'est très simple. Les habitants de ce que l'on appelait alors les «anciennes colonies» (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion) sont, à la différence des sujets d'Afrique ou d'Indochine, des citoyens à part entière. Ils participent au suffrage universel et sont représentés à Paris à l'Assemblée nationale et au Sénat. Aux Antilles, le républicanisme est solidement ancré, car, par deux fois, c'est la République qui a aboli l'esclavage. Tout ce qui prend un air autoritaire et antirépublicain est donc vécu comme un retour en arrière. D'instinct, les Antillais sentent que Vichy va représenter une régression. L'attitude des parlementaires martiniquais et guadeloupéens (mais aussi réunionnais et guyanais) n'en est, avec le recul, que plus choquante. Aucun d'entre eux ne figure sur la liste des 80 députés et sénateurs ayant voté contre la loi du 10 juillet 1940 attribuant les pleins pouvoirs à Pétain.
Concrètement, comment le régime de Vichy s'impose-t-il aux Antilles françaises?
Il se produit une sorte de coup d'Etat discret. Après la défaite de juin 1940, une partie de la flotte française met le cap sur les Antilles. Le vaisseau-école Jeanne-d'Arc, le porte-avions Béarn (avec à son bord 107 appareils), mais aussi l'Emile-Bertin, l'un des croiseurs les plus rapides au monde, transportant 300 tonnes d'or de la Banque de France, jettent l'ancre devant Pointe-à-Pitre et Fort-de-France. Dans un premier temps, il s'agit de mettre à l'abri plusieurs bâtiments de guerre qui ont échappé à la débâcle. Mais cette présence militaire est également utilisée pour maintenir fermement les Antilles dans le camp de Pétain. En Guadeloupe, le gouverneur Constant Sorin, en fonction depuis le mois d'avril 1940, retourne sa veste de manière spectaculaire. Après avoir proclamé son soutien à de Gaulle au lendemain de l'appel du 18 juin, il se transforme soudain en pétainiste convaincu, sous la pression de son supérieur hiérarchique, l'amiral Robert. Ce dernier, un homme âgé et ultraconservateur, a été nommé avant guerre au poste de haut-commissaire du gouvernement aux Antilles. Installé à Fort-de-France, il applique avec zèle les directives très impopulaires de la «Révolution nationale», venues de Vichy.
En Martinique, l'alter ego de Sorin est le gouverneur Bressoles (remplacé en 1941 par Nicol), mais c'est le nom de Robert qui est resté dans l'Histoire. En métropole, le ministre des Colonies est un certain Henry Lémery, mulâtre martiniquais et ami intime de Pétain. En septembre 1940, Lémery est toutefois révoqué - selon certains historiens pour des motifs racistes. Son successeur au secrétariat d'Etat aux Colonies, le fanatique et farouchement anglophobe vice-amiral Platon, devient à son tour le grand exportateur de l'idéologie pétainiste vers l'outre-mer. Le ralliement des Antilles au gouvernement de Vichy est donc le résultat d'une sorte de révolution de palais, d'un putsch, et non celui d'un ralliement spontané au «héros de Verdun», comme on l'affirmait à l'époque contre toute évidence.
Mais la classe politique locale ne reste pas les bras croisés. En effet, Paul Valentino - le «de Gaulle guadeloupéen» - accomplit le premier acte de résistance.
Le conseil général de la Guadeloupe, longtemps considéré comme la voix du peuple, se réunit à Basse-Terre le 1er juillet 1940 pour défier Sorin, qui a prononcé sa fidélité absolue à Pétain le matin même. Le socialiste Paul Valentino, avocat mulâtre, domine les débats. Son brillant discours dénonçant l'illégalité du régime de Vichy est acclamé par ses collègues. Puis, avec une poignée d'entre eux, il demande une audience à Sorin pour exiger de gouverner à sa place. Bien entendu, ce dernier refuse de les recevoir. En Martinique, le député maire de Fort-de-France, Victor Sévère, manifeste également son opposition et donne sa démission.
Face à ce sursaut démocratique, la reprise en main est aussi rapide que brutale?
Très vite, en effet, la répression bat son plein dans les deux îles. Valentino est arrêté le 21 juillet et banni dans les îles du Salut. S'ensuit une vague d'arrestations et d'exils, soit en Guyane, soit au fort Napoléon (aux Saintes), transformé en prison politique. Le 27 octobre, les conseils généraux des deux îles sont dissous. Sorin et Robert sont investis des pleins pouvoirs et se transforment en petits dictateurs. Le suffrage universel est aboli. De citoyens, les Antillais deviennent des sujets. Les conseils municipaux sont massivement révoqués, au prétexte qu'ils seraient gravement corrompus. Outre-mer comme en métropole, les autorités de Vichy voient des scandales financiers partout, inhérents, selon elles, à la IIIe République. Sorin remercie par exemple Fernand Alidor, maire de Deshaies, pour le soupçon jamais étayé de détournement de fonds. De même, tous les conseils municipaux de Marie-Galante sont balayés. A la fin de l'année 1941, 21 maires sur 32 ont déjà été révoqués en Guadeloupe! L'historien Dominique Chathuant a démontré le caractère raciste de ce balayage: il a calculé que, sous Vichy, seuls cinq maires de couleur ont conservé leur poste dans l'archipel .
Non content de bâillonner la vie politique, Vichy s'attaque également au système judiciaire?
Oui. Le système des jurys populaires est, par exemple, remis en cause. Le gouverneur Sorin envisage de les abolir complètement. Truffé de clichés racistes, son projet évoque, à propos des jurés antillais, «une moralité inférieure à celle qu'on rencontre en France». En réalité, il s'agissait surtout d'éviter que des jurés fassent preuve de mansuétude à l'égard d'éventuels opposants. Finalement, les jurys sont ramenés de 12 à 4 membres, mais leur autonomie est sérieusement amputée, puisqu'ils délibèrent désormais sous le contrôle de magistrats professionnels aux ordres. Du jour au lendemain, les peines prononcées s'alourdissent. Certaines sont démesurées: pour une parole hostile à Pétain ou favorable à de Gaulle, l'on encourt cinq ans de prison. La justice est expéditive. Et la délation bat son plein. L'anthropologue Claude Lévi-Strauss a décrit dans Tristes Tropiques comment, après son arrivée à Fort-de-France, en 1941, il a assisté au procès d'un autochtone impliqué dans une rixe: le malheureux est condamné, en cinq minutes, à huit années d'emprisonnement. Quant à la police, elle est connue par la population sous le nom pur et simple de «Gestapo». Celle-ci persécute non seulement les personnes soupçonnées de sympathies à l'égard du gaullisme, mais également un certain nombre de boucs émissaires. Parmi eux: les commerçants libanais et syriens, auxquels on interdit le porte-à-porte, mais aussi les francs-maçons et les juifs. Quoique très peu nombreux, ces derniers sont persécutés avec un zèle incroyable. Les lois antisémites métropolitaines sont transposées et appliquées à la lettre. Juifs et francs-maçons sont recensés et leurs biens, confisqués.
Sur ces entrefaites, la situation économique et matérielle se dégrade rapidement ?
Le blocus, initialement mis en oeuvre par la marine britannique, puis organisé par la flotte américaine, commence dès août 1940. Avec un objectif clair: obtenir la reddition de Vichy aux Antilles. Le cordon ombilical avec la métropole est pour ainsi dire coupé: le trafic transatlantique entre la France et les Antilles ne représente plus qu'un dixième de ce qu'il était avant guerre. On manque de tout. Les prix flambent. Le marché noir et les tickets d'alimentation font leur apparition. Face aux disettes, la population recourt au système D et se nourrit notamment des ressources fruitières de l'île. C'est alors que Robert et Sorin lancent les fameux «effort guadeloupéen» et «effort martiniquais», alliant recyclage et restriction. Cette politique vise à augmenter les rendements agricoles, à récupérer des pneus pour en faire des semelles ou encore à produire localement toute une panoplie de produits finis jadis importés de métropole. Des journaux publient des recettes permettant de fabriquer du pain sans blé à l'aide de fruits à pain cuits au sel, puis grillés, ou encore à l'aide de farine de manioc et de saindoux initialement
Ce blocus naval est-il réellement absolu ?
Non. Pas tout à fait, car l'amiral Robert a négocié à Fort-de-France avec l'amiral américain Greensdale certaines facilités d'approvisionnement en échange de quelques assurances, dont celle d'un préavis sur l'appareillage de tout bâtiment français. Dans les faits, la marine américaine ferme les yeux sur certains trafics. Ce laxisme rend le blocus relativement perméable. Et, jusqu'en décembre 1942, l'on continue de manger des accras, grâce à l'arrivée de chalutiers remplis de morues, venus de Terre-Neuve sous pavillon britannique.
Comment les Antillais suivent-ils les actualités mondiales?
Difficilement. Car Robert et Sorin interdisent notamment l'écoute des radios anglaises, bien avant que cet ordre ne leur soit intimé par Vichy. La censure est si draconienne qu'il est fréquent pour un journal d'être caviardé aux neuf dixièmes. Bien entendu, aucun article critiquant le régime de Vichy n'est toléré.
Paradoxalement, cette période qu'on nomme «An tan Sorin» à la Guadeloupe et «An tan Wobé» à la Martinique a aussi laissé de bons souvenirs dans la mémoire collective!C'est vrai. Parallèlement à une mémoire de souffrance, il subsiste, aujourd'hui encore, dans certains milieux, une nostalgie de cette époque où les Antilles se suffisaient à elles-mêmes, où les gens recouraient à leur propre ingéniosité et où l'autarcie avait remplacé l'état de dépendance à l'égard de la métropole.
Comment le remplacement de la devise «Liberté, égalité, fraternité» par «Travail, famille, patrie» est-il ressenti dans l'opinion?
Globalement, l'idéologie de la «Révolution nationale», paternaliste et rétrograde, est très mal perçue, même si elle séduit certains conservateurs du clergé, des notables, les békés et quantité de fonctionnaires. Ces derniers doivent d'ailleurs prêter serment de fidélité à Pétain. Avec un certain machiavélisme, Vichy exporte d'abord les mesures susceptibles de plaire aux catholiques, comme l'abrogation de la séparation entre l'Eglise et l'Etat. Dans les moindres bourgs, dans les écoles ou les tribunaux, on réintroduit l'image du Christ crucifié.
De même, l'idéal du «retour à la terre» donne lieu à une nouvelle vénération de la récolte de canne. Mais d'autres lois, comme celles portant sur le travail féminin, sont très mal acceptées. Ainsi, des dizaines d'institutrices martiniquaises et guadeloupéennes sont renvoyées dans leurs foyers, afin de les inciter à avoir des enfants. Il y a un grand mécontentement et une polarisation autour de cette question. Parallèlement, les écoles sont transformées en profondeur. Le salut au drapeau devient obligatoire tous les matins. Le cursus général équilibré est remplacé par la priorité accordée au sport, à la hiérarchie, à la morale, à la religion, au patriotisme. La propagande prend le pas sur l'enseignement. L'on chante Maréchal, nous voilà dans les cours de récréation. L'on prie à tout moment. Et des enfants de 10 ans participent, comme en métropole, à un concours de lettres destinées au maréchal Pétain.
De plus, les autorités mettent l'alcool à l'index?
Une loi métropolitaine interdisant la présence de débits de boissons à moins de 200 mètres des cimetières et des églises est appliquée. A l'occasion du carnaval de 1941, Sorin ordonne aux restaurants, dancings et cafés de fermer à 22 heures, afin de «maintenir l'ordre moral dans les heures graves et douloureuses que traverse la France». On s'en doute, s'attaquer au carnaval n'est pas très populaire. La chasse à l'alcool est menée avec un tel zèle que les inspecteurs fouillent les maisons à la recherche de bouteilles de rhum. Cet esprit prohibitionniste contribue au mécontentement général.
Comment s'organise la résistance, appelée aux Antilles «dissidence»?
La perte des libertés politiques et la montée du racisme - exprimée notamment par les propos déplacés de marins métropolitains ivres qui se bagarrent régulièrement avec des Antillais - galvanisent la dissidence. Les actes de résistance passive se multiplient dès 1940. Il arrivait souvent aux opposants d'arborer, ou de tenir ostensiblement à la main, une pièce de 10 sous (50 centimes) lorsqu'ils croisaient un fonctionnaire de Vichy. Le message implicite était que Vichy avait dissous la République. De la même façon, des automobilistes klaxonnent la lettre V (pour «victoire») en morse. Sorin est obligé d'interdire cette pratique. Il y a aussi cette vente aux enchères à Pointe-à-Pitre, où un portrait du maréchal Pétain est le seul objet à ne pas trouver preneur. Autre exemple: lorsque, le 24 janvier 1941, la place de la Victoire est rebaptisée «place du Maréchal- Pétain», la plaque nominative est recouverte dans la nuit d'un enduit noirâtre qui la rend illisible.
A partir de quel moment s'organise la résistance active?
Dès les débuts, mais surtout à partir de 1942, des dissidents entreprennent, à bord de frêles esquifs, la périlleuse traversée jusqu'en Dominique et à Sainte-Lucie, où la France libre a installé des centres d'accueil. Ils y sont formés. Puis ils partent au Canada, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, d'où ils se préparent à libérer la France. Il est intéressant de noter que ce phénomène s'inscrit dans l'histoire du marronnage. Au total, environ 2 000 Guadeloupéens rejoignirent la dissidence en Dominique. Et autant de Martiniquais gagnèrent Sainte-Lucie. Une proportion de résistants nettement plus importante qu'en France métropolitaine!
Puis, en quelques jours, tout bascule.
Oui. Et il faut souligner que la chute de Vichy aux Antilles constitue l'un des rares cas où la population locale s'est libérée par elle-même.
Comment se déroulent les événements?
Tout commence à la Guadeloupe, puis le feu se propage à la Martinique. Le 30 avril 1943, à Port-Louis, à l'extrême nord de Grande-Terre, la résistance est lancée dans une atmosphère d'extrême tension. Les employés de l'usine sucrière de Beauport se révoltent contre leur patron, accusé de pratiques sociales odieuses. Or, ce mouvement social se transforme vite en vraie révolution. Le poste de gendarmerie est pris d'assaut par une soixantaine d'individus armés de machettes et de bâtons. Les lignes téléphoniques ont été préalablement coupées par les insurgés. Lesquels parviennent à se procurer des armes et à attaquer l'usine. Deux jours plus tard, une autre manifestation, pacifique cette fois, éclate spontanément à Basse-Terre. Là, les manifestants protestent contre le fait que le 1er mai, fêté la veille, n'est plus férié
Cela paraît anecdotique?
Cela ne l'est pas! Car cela traduit un malaise généralisé en Guadeloupe. Mais écoutez plutôt la suite! Cette première colonne de manifestants est rejointe par une autre, composée de supporters de football revenant d'un match à l'issue duquel le Cygne noir a battu le Racing Club grâce à une belle prestation du gardien de but Micaux. Les deux colonnes réunies alternent alors les cris de «Vive le goal!» et ceux de «Vive de Gaulle!». Devant la principale place de Basse-Terre, le Champ-d'Arbaud, cette foule rencontre la police qui tire. Plusieurs manifestants sont blessés. Et Serge Balguy, un supporter du Cygne noir âgé de 17 ans, est tué. La foule se disperse provisoirement avant de se retrouver devant la maison d'un médecin suspecté de sympathie pour Vichy. Cette pression populaire entraîne la démission en masse du conseil municipal (nommé) de Basse-Terre, qui a senti le vent tourner. Ces divers événements ne renversent pas directement le régime, mais sont déterminants pour la chute de Vichy en Martinique.
Comment cela?
Galvanisés par ces premiers succès, les résistants antillais affinent leur stratégie. Ils comprennent que, pour éloigner Sorin, il faut impérativement éliminer Robert. Arrive le 18 juin 1943. Une manifestation est organisée à Fort-de-France pour célébrer le 3e anniversaire de l'appel du général de Gaulle. C'est un immense succès. Le glas de Vichy aux Antilles sonne lorsque la police et l'armée - deux institutions où les désertions se multiplient - refusent de tirer sur la foule. Robert et Sorin parviennent à négocier en coulisse avec les Etats-Unis des sauf-conduits pour l'Afrique du Nord. Comble de l'ironie: Constant Sorin - décidément bien inconstant! - rejoindra ensuite la France libre pour se battre en Alsace contre les Allemands! L'amiral Georges Robert, lui, sera condamné à dix ans de travaux forcés par la Haute Cour, mais il sera libéré après six mois. L'ancien ministre des Colonies, Henry Lémery, écope de cinq années d'indignité nationale. Quant à son successeur, le vice-amiral Platon, il est arrêté par la Résistance et exécuté en août 1944.
Nous voici à l'épilogue. Comment se déroule le rétablissement de la République aux Antilles?
Pour les résistants, la transition est franchement décevante.
Non seulement délateurs et collaborateurs de Vichy ne sont pas inquiétés, mais, de plus, la plupart des défenseurs de la «Révolution nationale» conservent leurs situations. Quant aux dissidents, ils tentent de faire reconnaître leur bravoure en métropole auprès du Conseil national de la Résistance (CNR),
mais un veto est mis à cette reconnaissance. Motif ? Ils ne se sont jamais battus contre les nazis! Si l'on songe à la proportion de volontaires ayant rallié les îles anglaises et à tous ces Antillais qui ont fait tomber Vichy sans aucune aide extérieure, une telle fin de non-recevoir est tout de même scandaleuse! Sans nul doute, cela reflète
la naissance du mythe qui se met en place dès la fin de la guerre, selon lequel le résistant «authentique» est coiffé d'un béret, fait sauter des trains et est de couleur blanche.
http://www.lexpress.fr/region/vichy-vaincu-par-la-pression-populaire_4798