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mercredi 9 mars 2016

Stéphanie St-Clair



http://femme-noire-et-negritude.blogspot.fr/2015/12/quoi.html

....me voilà en possession du bouquin de Confiant...je l'ai lu et je ne sais pas quoi en faire, parce que je suis certaine que ne je n'aurais pas envie de le relire dans un futur proche ou...lointain...ou de le recommander...
...ce n'est pas mal écrit, c'est fluide, pas ampoulé...mais  ce n'est pas un bon livre, à aucun moment, je ne crois en la personne de cette Saint-Clair, j'avais la voix de Confiant, j'avais le visage de Confiant en tête.....Confiant qui me donne son avis sur l'Amérique...quand le récit se fait à la première personne ça ne fonctionne pas...elle raconte sa vie, à son neveu Frédéric...les parties sur sa vie en Martinique, et sa vision des noirs ricains m'ont plus intéressés que " moi Stéphanie Saint-Clair reine de la loterie clandestine de Harlem " : je n'ai rien compris, les méchants, les concurrents qui en voulaient à sa peau, ça sonnait...faux...plus, le mot "négresse"  associé à des adjectifs négatifs m'est jeté à la tronche tellement de fois que je me sentais vaguement insulté.... en refermant le livre, je me demandais ce que ça aurait donné entre les mains d'une Condé ou d'une Morisson....j'ai eu plusieurs bouquin de Confiant entre les mains et la curiosité n'a jamais dépassé la page 1....

extraits : (c)R. Confiant....et toujours sous l'angle du colorism

p.16 : les douaniers s'étaient passé et repassé mon passeport, certains dubitatifs, d'autres incrédules. Une black French, pensez donc ! Depuis quand Paris accueillait-t-il des niggers bastards ? On m'avait alors parqué dans un cagibi, le temps que les autorités portuaires vérifient mes dires et j'avais vu défilé la lie de l'humanité : Siciliens guenilleux et sales à faire peur...des gars d'Europe de l'Est, Polonais pour la plupart qui braillaient pour un rien....Juifs de partout, souffreteux en quête de la Terre Promise....

p.17 : ...durant les vingt-six premières années de ma vie que j'ai passées à la Martinique, je n'ai jamais entendu personne, ni Noir, ni Mulâtre, ni Blanc créole, vanter les Etats-Unis d'Amérique et encore moins souhaiter y vivre. La France était notre unique boussole....moi qui dans mon pays avait rejeté avec horreur l'idée de devenir "da" dans quelque grande et riche famille blanche créole ou mulâtre...c'était là, le projet que caressait ma mère...elle embellissait ce métier, le parant de jolis noms : " nounou" "gouvernante" et que sais-je encore...si j'acceptais d'être placé chez les Beauchamps de Malmaison ou les Dupin de Fromillac, outre le fait qu'on me verserait des gages importants, en un rien de temps de parlerais aussi bien que le dictionnaire Larousse. Pff ! Couillonnades.
p.20 : Foutez le camp maintenant avant que j'appelle la police ! Il n'avait même pas remarqué que j'étais noire, m'étais-je dis dans un premier temps. Je me trompais : il ne m'avait pas remarqué du tout. J'étais une créature invisible, un être insignifiant ou bien quelque animal de compagnie sur lequel on jette un regard distrait. Ou alors il m'avait prise pour la servante des Mulryan.

p.22 : dans mon enfance, lors du catéchisme, des prêtres venaient nous saluer de semblable manière à l'église de Ste-Thérèse. A l'époque, il était inimaginable qu’un homme d’église pu être un noir et plus tard, beaucoup plus tard, une fois arrivée en Amérique….j’y découvrirais un pasteur de ma race, vêtu d’une toge violette qui face à un autel modeste, sautillait, agitait les bras en direction du ciel, poussait des exclamations qui me semblaient vengeresses avant de se rouler par terre….

p.23 : je ne comprends pas pourquoi vous n’y êtes pas allée directement, la Martinique est si proche des Etats-Unis ….je n’avais pas osé lui avouer que je voulais d’abord explorer cette France que nous vénérions à l’égal d’une 2ème mère….
p.31 : la fillette se prenait à rêver de ces contrées qu’elle imaginait fabuleuse très différentes en tout cas de sa sordide Martinique où le Nègre était traité plus bas qu’un ver de terre. Elle le sentait au regard lourd de mépris de sa maîtresse d’école, une vieille fille békée au patronyme à double particule, qui à la moindre faute de français ou erreur de calcul d’une élève à complexion trop foncée à son goût se lançait dans une tirade contre «cet imbécile d’Alsacien de Victor Schoelcher qui avait voulu à tout prix que les esclaves libérés aillent à l’école ».

p. 32 : cette dernière se révéla une bonne élève qui rapportait assez souvent des bons points en dépit de l’ostracisme qu’elle subissait de la part de ses maîtresses, lesquelles lui refusaient parfois l’entrée de leur salle de classe quand Félicienne…l’avait coiffé à la va-vite avec des papillotes, les cheveux en grains semblables à des caca-mouton étaient bannis dans les lieux respectables, c’est pourquoi chaque samedi après-midi Félicienne mettait un fer à chauffer sur du charbon de bois et lissait ses cheveux et ceux de sa fille. L’odeur du roussi écoeurait cette dernière qui évitait de se plaindre car….

p.38 :…peut-être parce qu’il lui rappelait ses crieurs de magasins de Syriens, dans cette rue de Fort-de-France où ces derniers avaient commencé à s’établir. On les a d’abord connus pauvres hères fraîchement descendus du bateau, une valise fatiguée à la main et incapables de baragouiner ne serait-ce qu’un mot de français, ni évidemment de créole, colportant dans des brouettes leurs marchandises à bon marché, et puis dans les premières années du siècle, certains d’entre ces Levantins s’étaient enrichis et avaient ouvert boutique. La négraille préféra vite fréquenter ces lieux où il était possible de marchander et d’ouvrir un carnet de crédit plutôt que les magasins huppés des rues de Schoelcher, Lamartine et Victor Hugo....

p.48 : car Stéphanie St-Clair n’était point venu en Amérique pour nettoyer les sous-vêtements dégoutants de gens qui ne sa baignaient qu’une fois par semaine. J’avais gardé cette vieille habitude de la Martinique consistant à se doucher matin et soir, chose qui enrageait notre logeuse qui trouvait que je gaspillais l’eau….

p.52 : ...des l’enfance en Martinique, j’avais eu beau me forcer durant les leçons de catéchisme, je n’arrivais pas à me convaincre que là-haut dans le ciel, il y avait une créature blanche et barbue aux yeux bleus qui veillait sur le monde entier et cela à chaque instant. J e m’étais toujours bien gardée de faire part à qui que ce soit de ces mécréantes pensées et surtout ici en Amérique où il semblait particulièrement vénéré….

p.62 : à l’époque je n’étais pas assez cultivée pour lui faire savoir qu’au temps du fouet et des chaînes_ les planteurs blancs américains menaçaient leurs esclaves de les vendre à leurs compères de la Martinique s’ils manifestaient la moindre vélléité de révolte….

p.67 : …je me suis prise d’affection pour un Nègre de la Jamaïque, à la face babouinesque, qui haranguait les foules à Central Park…il portait un nom qui sonnait bien : Marcus Garvey…
- Lisez The Negro World, le seul journal qui dit la vérité sur le sort fait à la race noire dans cette nouvelle terre d’abomination qu’est l’Amérique….......- Bullshit ! qu’ils retournent en Afrique puisque les crocodiles et les girafes ont l’air de tant leur plaire ! Moi, chez moi c’est ici et ça parce que mes ancêtres ont travaillé comme esclaves dans les champs de coton du Sud. C’est la sueur nègre qui a bâti ce pays tel qu’il est aujourd’hui. On ne va tout de même pas le laisser aux Blancs.
 
p.68 : maintenant ça me revient, j’avais hésité un bref instant entre Rio de Janeiro et New-York. Mais l’Afrique, ça ne m’avait pas tentée une seule seconde !.............Petite fille, j’avais accompagné ma mère sur la jetée de Fort-de-France un bel après-midi d’avril en mai 1880 et quelques. Des centaines de personnes avaient déboulé de tous les quartiers d’En-Ville…… C’est qu’un bruit avait couru, rapporté par Radio-bois »patate, comme quoi un roi africain serait conduit à la Martinique avec sa cour parce qu’il s’était révolté contre la France dans un pays nommé Dahomey…on l’avait présenté comme sorcier, adepte du vaudou et autres conneries…....Un roi nègre, la belle affaire ! Y z’ont des palais et des carrosses dans leur brousse peut-être ? Ha-ha-ha !....Ma peau est noire, ça oui, je le sais, mais vouloir me faire avaler qu’un bougre plus noir qu’hier soir se glorifie du titre de roi, c’est rien d’autre qu’une foutue couillonnade !...Plus noir qu’un péché mortel tu veux dire ! avait renchéri un homme qui détaillait ma mère de la tête au pied avec un regard concupiscent........
j’avais vu de mes yeux cet homme échineux, vêtu de peau de bête, coiffé d’un étrange chapeau conique, entouré d’une dizaine de jeunes Négresses aux seins nus, qui observait l’univers avec hautenaineté. Il tenait une pipe démesurée à la bouche et lâchait à intervalles réguliers de minuscules nuages blancs. Un « oooh »de saisissement s’était levé parmi les spectateurs et les gardes de police avaient eu le plus grand mal à les contenir pour qu’ils n’envahissent pas le modeste quai de la Française où le gouverneur de la colonie et ses principaux collaborateurs étaient venus accueillir ce fameux roi nègre au nom de Béhanzin que les conteurs des veillés mortuaires devaient dérisonner plus tard en Berzin-d’An-Neuf. Ce dernier et sa cour avaient été internés au fort de Tartenson, sous la garde de soldats blancs, ce qui fit que petit à petit la population se désintéressa de ces étranges africains.
Moi pour autant que je m’en souvienne, j’avais été frappé par l’extrême dignité de leur maintien, surtout de Béhanzin….je retrouvais cette fermeté du regard dans celui de Marcus Gravey, l’homme qui….voulait unifier tous les Noirs du monde et prêchait, non sans conviction le retour des descendants d’esclaves américains sur la terre mère d’Afrique. Il n’y avait entre les deux hommes que les vêtements pour différer : habits traditionnels africains pour le révolté du Dahomey ; tenue de généralisme d’opérette pour le descendant d’esclaves jamaïcains. Tout cela ne signifiais pas que j’adhérais aux plaidoiries enflammées de Garvey, car je n’avais pas quitté ma Martinique pour finir troisième ou quatrième épouse d’un potentat africain….

p.80 : t’as raison, vociféra une autre qui serrait une Bible sur sa poitrine, l’égalité nous ne l’aurons que dans l’autre monde. Notre seigneur Dieu nous l’a promis. Pour l’instant, nous purgeons la peine infligée par Dieu à notre ancêtre Cham….
p.81 : seule, noire, femme et peu habile en anglais sur cette route isolée, je n’aurais qu’à confier mon âme au diable car à coup sûr, Dieu m’aurait tourné le dos. Mais bon, je ne croyais pas une miette de cette fable qu’était la malédiction de Cham, fût-ce écrit noir sur blanc dans la Bible. Ou plutôt, j’avais des doutes sur le fait que celui-ci fût un Noir. Comment était-ce possible puisque son prétendu père, Noé et ses deux supposés frères, Japhet et Sem étaient d’une blancheur immaculée ? Sans compter que je ne comprenais pas non plus pourquoi nul ne condamnait l’ivrognerie de Noé qui s’était mis à gambader nu dans la rue avant que ses gentils aîné et cadet accourent avec un drap pour couvrir sa nudité. La Bible s’en prend à Cham parce qu’il se serait moqué de son père, lequel le chassa de chez lui, condamnant lui et ses descendants à subir tous les maux de la terre, à commencer par l’esclavage…tout ça me paraissait une histoire à dormir debout un conte mystificateur….
p.104 : il commençait à me porter sur les nerfs, ce toubib propre sur lui avec son nœud papillon et son accent affecté. Le bon Oncle Tom comme les aimaient tant les Blancs qui se flattaient d’avoir l’esprit large. Sans doute était-il marié avec une de ces caucasiennes de petite extraction et moche comme un poux dont personne de sa couleur n’avait voulu. Ici comme en Martinique, chacun essayait d’éclaircir la race, mais de manière hypocrite sans vraiment l’avouer.
p.107 : de mon temps, les enfants de la bourgeoisie foyalaise avaient une vie toute tracée devant eux, alors que nous, les rejetons de plébéiens, nous devions nous en inventer une. Sinon la nôtre était également, mais de tout autre manière, une ligne droite : pour les garçons, travailler sur le port de Fort-de-France, être portefaix chez quelque commerçant ou Gros Blanc créole, maçon, menuisier ou éboueur municipal ; pour les filles, servante, balayeuse de rue, charbonnière ou mère au foyer d’une marmaille d’une douzaine de turbulents. 
p.132 :…il recommença le même théâtre avec un air de plus en plus niais, croyant que, parce qu’étrangère, j’ignorais les macaqueries de Nègres devant leurs supérieurs qu’ils cherchaient à couillonner. En Martinique ça s’appelait « faire le Nègre-macaque » .Du temps de l’esclavage, ça se pratiquait devant le maître blanc de la plantation….
p.154 : cependant, parmi toutes les largesses dont j’étais coutumière et qui me valaient le respect….il y en a une que je m’étais longtemps refusée ; financer l’Association universelle pour l’amélioration de la condition noire que dirigeait ce Nègre laid comme trois diables et bouffi d’orgueil qu’était le dénommé Marcus Garvey…sa voix de stentor résonne encore à mes oreilles….
Mes frères et mes sœurs, écoutez-moi, je vous en prie ! Ce monde blanc dans lequel on a jeté les nôtres n’est pas fait pour nous. C’est un lieu de perdition pour notre race. Ce pays n’est pas le nôtre, il ne peut pas l’être et ne le sera jamais. Maudit soit ton nom Amérique ! Mes frères et sœurs, sachez que notre terre à nous n’est autre que l’Afrique mère que les Blancs nous ont forcés à oublier depuis bientôt 3 siècles, mais qui survit en chacun d’entre nous telle une étincelle indestructible…………si à moi tout cela ne disait rien, j’admirais son immense culture…j’aimais la fièvre qui l’habitait, car elle faisait de lui un homme vrai, pas une créature à double visage comme la plupart des Nègres américains….
Plus tard, devenue riche et fréquentant de grands intellectuels nègres tels que Du Bois, je comprendrais la raison de cette différence entre nous, Nègres des îles et aux Nègres de la terre ferme. Dans nos pays Jamaïque et Martinique, le Blanc a certes pratiqué l’esclavage mais il n’a jamais été qu’en tout petit nombre et l’on pouvait parfaitement envisager de vivre sa vie hors de sa vue, voire de son emprise_ tandis qu’ici en Amérique, son alter égo, anglais, irlandais, hollandais, italien, russe et j’en passe est très largement majoritaire : il domine l’entièreté de la vie des Nègres et ces derniers ont dû pour survivre, se forger une carapace.
p.175 : proverbe créole qui affirme : «  dès qu’un Mulâtre possède un simple cheval, qu’il prétend aussitôt que sa mère n’était pas une Négresse »
p.78 : les cheveux ridiculement défrisés (dès mon installation en Amérique, j’avais rejeté cette coutume barbare, résistant aux regards réprobateurs des Négresses et moqueurs des Blancs)….
p.195 :…le plus communément on me classait comme la Française noire, the Black French Woman, très peu de gens à Five Point d’abord, puis à Harlem, connaissent l’existence de la Martinique….

p .201 : c’est que les Du Bois étaient une grande famille qui portait un nom prestigieux et dont l’épiderme était très clair. Des light-skinned people que la masse des Noirs vénérait parce que ces derniers les considéraient comme la pointe avancée de leur lutte pour l’émancipation….

p.202 : …elle fréquentait une école upper class où étaient inscrits que les élèves à peau claire que paradoxalement la presse blanche désignait comme étant le »futur establishment noir ». Ces personnes n’avaient en réalité de nègre que l’appellation, ou plutôt elles étaient caractérisées comme telles parce que les Etats-Unis vivaient sous joug de la loi dite de « l’unique goutte de sang ». Une seule goutte de sang noir dans les veines et vous voilà classé Nègre même si vous aviez la peau blanche et les yeux bleus ! J’avais toujours pour ma part nourri de la défiance envers ces gens qui étaient susceptible de »franchir la ligne », à n’importe quel moment dès l’instant où ils changeaient d’Etat. De Negro en Virginie ou en Géorgie, ils pouvaient devenir Caucasian dans le Maine ou le Massachusets….je sentais bien, lorsque je les croissais sur le trottoir ou dans le hall d’entrée de mon immeuble qu’à leurs yeux, moi la Négresse trop foncée à leurs yeux, je faisais figure d’intruse dans le petit monde de gens couleur café au lait, plus proche du lait que du café….

 p.232 : Sufi Abdul Hamid…Mes frères, écoutez-moi, je suis l’envoyé d’Allah, que son nom soit béni et je suis venu vous dire que le temps de domination des Juifs sur notre peuple est sur le point de s’achever. Des siècles et des siècles durant, cette race maudite a sucé le sang des autres nations, s’infiltrant partout, volant les secrets les mieux gardés, gouvernant en coulisses, amassant des fortunes colossales, eh bien mes frères tout à une fin sur le monde. Que personne n’aille plus acheter dans leurs magasins !...

p.233 : dans un article consacré à Sufir Abdul Hamid, je lis qu’on le qualifiait de « Hitler Noir »…les crimes d’Hitler dont nous ne connaîtrions le détail qu’une fois la guerre finie, nous semblaient irréels. Donc que Sufi fût qualifié d’Hitler noir nous signifiait qu’il était davantage considéré comme un bouffon que comme quelqu’un de dangereux. Or comment moi Stéphanie St-Clair, avais-je pu tomber amoureuse d’un personnage pareil ?
 p.237 : Samia, parmi les esclaves transportés en Amérique, il y avait des musulmans. Notre religion est arrivée en Afrique bien avant le christianisme. Ah je sais bien que certains l’accusent d’avoir pratiqué l’esclavage. Sauf qu’ils oublient que cela touchait tous ceux qui se refusaient de se convertir à la parole d’Allah, Blancs comme Noirs, chrétiens comme animistes
 
p.266 :…je la connais sur le bout des doigts cette mulâtraille méprisante que j’ai vu à l’œuvre quant j’étais servante chez les Verneuil. A moins qu’un miracle se soit produit, je doute qu’elle ait abandonné ses préjugés. Obséquieuse envers les Békés, méprisante envers les Nègres et les Indiens. Il m’est resté une image horrible qui n’a cessé de me hanter durant des années. A l’époque, tous les balayeurs de rue de Fort-de-France étaient des Indiens, enfin des coolies disions-nous qui vivaient dans une misère sans nom. Beaucoup attendaient d’être rapatriés en Inde, comme le prévoyait leur contrat, mais l’administration s’en fichait
 p.268 : la police de New-York, c’est juste une bande de fils de pute en uniforme.
p.272 :…pour une Négresse échappée des îles, qui avait appris l’anglais sur le tas, c’était quand même beaucoup. Inutile de nier que je vivais très bien…et si j’étais restée comme une couillonne dans ma Martinique natale, j’aurais croupi dans une misère sans nom. Je serais devenue quoi ? Au pire une femme de mauvaise vie au pont de Démosthène à la merci de marins Sud-américains et européens aux goûts bizarres ; au mieux serveuse dans une case à rhum de la Croix-Mission. Alors que là j’étais devenue Madame St-Clair reine des paris de Harlem avec une bonne quarantaine de banquiers et une centaine de collecteurs de paris qui bossaient pour moi et m’obéissaient le doigt sur la couture du pantalon. Bon je ne vantardise pas jamais en public car je sais que le Nègre est une race jalouse de naissance. Dans mon île on l’apprend avant même d’entrer dans la vie…Parce que ceci parce que cela. Le Nègre américain, lui n’est guère différent de son cousin martiniquais. Sauf qu’ici c’est vaste et qu’on ne vit pas à portée de voix et de regard. On peut décider de disparaître pendant quelque temps, histoire de se faire oublier. Mais la jalousie, elle, impossible de lui faire prendre la poudre d’escampette…

p.312 : je ne me suis sentie noire que face aux blancs américains, jamais face aux colored people. Attention soyons clairs ! je n’ai jamais eu honte de ma couleur et d’ailleurs contrairement aux Négresses d’ici je refusais à me défriser les cheveux. A ce propos le pire, le plus hideux, c’étaient tous ces musiciens et chanteurs de jazz qui s’appliquaient à métamorphoser leur crépelure comme on dit en Martinique, sous des couches de gomina, laquelle se mettait à puer à cause de la sueur dès l’instant où leur orchestre jouait plus de deux heures. Non Stéphanie St-Clair n’a jamais renié sa race ! Mais face aux Nègres américain, je me suis toujours sentie…comment dire ?...française…Pas martiniquaise mais française….

p.321 : j’avais été habitué 26 ans durant à la Martinique à n’avoir affaire qu’à des Noirs, des chabins, des mulâtres ou des indiens, des syriens et quelques chinois aussi. Les Blancs créoles étaient pour nous qui habitions Fort-de-France des créatures impalpables, invisibles même. Quant aux blancs-France à moins de travailler au gouvernorat ou à l’amirauté, on pouvait passer sa vie sans jamais échanger deux mots et quatre paroles avec eux… Et puis nous étions considérablement plus nombreux que les Blancs-pays et Blancs-France réunis, alors qu’ici le Nègre est minoritaire. Et non seulement minoritaire, mais confronté sans arrêt au monde des Blancs, même ici à Harlem où par exemple la police est blanche, les épiceries tenues par des Yiddish, le trafic de cigarettes, d’alcool et de drogues par les italiens et jusqu’à la loterie clandestine……ici en Amérique, l’homme blanc est partout. On ne peut pas l’oublier comme vous en Martinique. Cela permet final de compte, de mieux comprendre pourquoi il est si différent de nous autre antillais.