Troisième dialogue, p.71
....Que vois-je dans le Dieu de ce culte infâme, si ce n’est pas un être inconséquent et barbare, créant aujourd’hui un monde, de la construction duquel il s’en repent demain ? Qu’y vois-je, qu’un être faible qui ne peut jamais faire prendre à l’homme le pli qu’il voudrait ? Cette créature, quoique émanée de lui, le domine ; elle peut l’offenser et mériter par là des supplices éternels ! Quel être faible que ce Dieu-là ! Comment ! il a pu créer tout ce que nous voyons, et il lui est impossible de former un homme à sa guise ? Mais, me répondrez-vous à cela, s’il l’eût créé tel, l’homme n’eût pas eu de mérite. Quelle platitude ! et quelle nécessité y a-t-il que l’homme mérite de son Dieu ? En le formant tout à fait bon, il n’aurait jamais pu faire le mal, et de ce moment seul l’ouvrage était digne d’un Dieu. C’est tenter l’homme que de lui laisser un choix. Or Dieu, par sa prescience infinie, savait bien ce qui en résulterait. De ce moment, c’est donc à plaisir qu’il perd la créature que lui-même a formée. Quel horrible Dieu que ce Dieu-là ! quel monstre ! quel scélérat plus digne de notre haine et notre implacable vengeance ! Cependant, peu content d’une aussi sublime besogne, il noie l’homme pour le convertir ; il le brûle, il le maudit.
Rien de tout cela ne le change. Un être plus puissant que ce vilain Dieu, le Diable, conservant toujours son empire, pouvant toujours braver son auteur, parvient sans cesse, par ses séductions, à débaucher le troupeau que s’était réservé l’Éternel. Rien ne peut vaincre l’énergie de ce démon sur nous. Qu’imagine alors, selon vous, l’horrible Dieu que vous prêchez ? Il n’a qu’un fils, un fils unique, qu’il possède de je ne sais quel commerce ; car, comme l’homme fout, il a voulu que son Dieu foutît également ; il détache du ciel cette respectable portion de lui-même. On s’imagine peut-être que c’est sur des rayons célestes, au milieu du cortège des anges, à la vue de l’univers entier, que cette sublime créature va paraître... Pas un mot : c’est dans le sein d’une putain juive, c’est au milieu d’une étable à cochons, que s’annonce le Dieu qui vient sauver la terre ! Voilà la digne extraction qu’on lui prête ! Mais son honorable mission nous dédommagera-t-elle ? Suivons un instant le personnage. Que dit-il ? que fait-il ? quelle sublime mission recevons-nous de lui ? quel mystère va-t-il révéler ? quel dogme va-t-il nous prescrire ? dans quels actes enfin sa grandeur va-t-elle éclater ?
Je vois d’abord une enfance ignorée, quelques services, très libertins sans doute, rendus par ce polisson aux prêtres du temple de Jérusalem ; ensuite une disparition de quinze ans, pendant laquelle le fripon va s’empoisonner de toutes les rêveries de l’école égyptienne qu’il rapporte enfin en Judée. À peine y reparaît-il, que sa démence débute par lui faire dire qu’il est le fils de Dieu, égal à son père ; il associe à cette alliance un autre fantôme qu’il appelle l’Esprit-Saint, et ces trois personnes, assure-t-il, ne doivent en faire qu’une ! Plus ce ridicule mystère étonne la raison, plus le faquin assure qu’il y a du mérite à l’adopter... de dangers à l’anéantir.
C’est pour nous sauver tous, assure l’imbécile, qu’il a pris chair, quoique dieu, dans le sein d’une enfant des hommes ; et les miracles éclatants qu’on va lui voir opérer, en convaincront bientôt l’univers ! Dans un souper d’ivrognes, en effet, le fourbe change, à ce qu’on dit, l’eau en vin ; dans un désert, il nourrit quelques scélérats avec des provisions cachées que ses sectateurs préparèrent ; un de ses camarades fait le mort, notre imposteur le ressuscite ; il se transporte sur une montagne, et là, seulement devant deux ou trois de ses amis, il fait un tour de passe-passe dont rougirait le plus mauvais bateleur de nos jours.
Maudissant d’ailleurs avec enthousiasme tous ceux qui ne croient pas en lui, le coquin promet les cieux à tous les sots qui l’écouteront. Il n’écrit rien, vu son ignorance ; parle fort peu, vu sa bêtise ; fait encore moins, vu sa faiblesse, et, lassant à la fin les magistrats, impatientés de ses discours séditieux, quoique fort rares, le charlatan se fait mettre en croix, après avoir assuré les gredins qui le suivent que, chaque fois qu’ils l’invoqueront, il descendra vers eux pour s’en faire manger. On le supplicie, il se laisse faire. Monsieur son papa, de Dieu sublime, dont il ose dire qu’il descend, ne lui donne pas le moindre secours, et voilà le coquin traité comme le dernier des scélérats, dont il était si digne d’être le chef.
Ses satellites s’assemblent : « Nous voilà perdus, disent-ils, et toutes nos espérances évanouies, si nous ne nous sauvons par un coup d’éclat. Enivrons la garde qui entoure Jésus ; dérobons son corps, publions qu’il est ressuscité : le moyen est sûr ; si nous parvenons à faire croire cette friponnerie, notre nouvelle religion s’étaie, se propage ; elle séduit le monde entier... Travaillons ! »
Le coup s’entreprend, il réussit. À combien de fripons la hardiesse n’a-t-elle pas tenu lieu de mérite ! Le corps est enlevé ; les sots, les femmes, les enfants crient, tant qu’ils le peuvent, au miracle, et cependant, dans cette ville où de si grandes merveilles viennent de s’opérer, dans cette ville teinte du sang d’un Dieu, personne ne veut croire à ce Dieu ; pas une conversion ne s’y opère. Il y a mieux : le fait est si peu digne d’être transmis, qu’aucun historien n’en parle. Les seuls disciples de cet imposteur pensent tirer parti de la fraude, mais non pas dans le moment.
Cette considération est encore bien essentielle, ils laissent écouler plusieurs années avant de faire usage de leur fourberie ; ils érigent enfin sur elle l’édifice chancelant de leur dégoûtante doctrine. Tout changement plaît aux hommes. Las du despotisme des empereurs, une révolution devenait nécessaire. On écoute ces fourbes, leur progrès devient très rapide : c’est l’histoire de toutes les erreurs. Bientôt les autels de Vénus et de Mars sont changés en ceux de Jésus et de Marie ; on publie la vie de l’imposteur ; ce plat roman trouve des dupes ; on lui fait dire cent choses auxquelles il n’a jamais pensé ; quelques-uns de ses propos saugrenus deviennent aussitôt la base de sa morale, et comme cette nouveauté se prêchait à des pauvres, la charité en devient la première vertu. Des rites bizarres s’instituent sous le nom de sacrements, dont le plus indigne et le plus abominable de tous est celui par lequel un prêtre, couvert de crimes, a néanmoins, par la vertu de quelques paroles magiques, le pouvoir de faire arriver Dieu dans un morceau de pain.
N’en doutons pas ; dès sa naissance même, ce culte indigne eût été détruit sans ressource, si l’on n’eût employé contre lui que les armes du mépris qu’il méritait ; mais on s’avisa de le persécuter : il s’accrut ; le moyen était inévitable.
Qu’on essaie encore aujourd’hui de le couvrir de ridicule, il tombera. L’adroit Voltaire n’employait jamais d’autres armes, et c’est de tous les écrivains celui qui peut se flatter d’avoir fait le plus de prosélytes. En un mot, Eugénie, telle est l’histoire de Dieu et de la religion ; voyez le cas que ces fables méritent, et déterminez-vous sur leur compte.
ah!ah!ah! La philosophie dans le boudoir de Sade....que j'ai relu pour savoir à qui attribuer des citations entre lui et Paul Morand et sa Magie noire....
c'est émoustillant quand on est ado...adulte c'est de la science-fiction ou santé de hardeur....l'éducation sexuelle et amorale d'une jeune fille, par 3 débauchés, plus en guest le valet bien membré....apologie du viol, inceste, blasphème, sodomie, pédophilie....ouais....Sade était en taule quand il a écrit ça et dans la solitude de sa cellule, il y va à fond, tout y passe même Dieu dans ce troisième dialogue....