mercredi 11 juillet 2018

Tsss ! tsssss ! tsssssssssssssss !

....l'homme qui escorte une jolie femme se croit toujours coiffé d'une auréole; à plus forte raisson celui qui passent entre deux jolies femmes. Rien ne plait autant que de dîner dans un restaurant bien fréquenté, avec une amie que tout le monde regarde; et rien d'ailleurs n'est plus propre à poser un homme dans l'estime de ses voisins.

Aller au Bois traîné par une rosse, ou sortir sur le boulevard, escorté par un laideron, sont les deux accidents les plus humiliants qui puissent frapper un coeur délicat préoccupé de l'opinion des autres. De tous les luxes, la femme est le plus rare et le plus distingué, elle est celui qui coûte le plus cher et qu'on nous envie le plus; elle est donc aussi celui que nous devons aimer le mieux à étaler sous les yeux jaloux du public.
Montrer au monde une jolie femme à son bras, c'est exciter, d'un seul coup toutes les jalousies; c'est dire:"voyez, je suis riche,puisque je possède cet objet rare et coûteux; j'ai du goût, puisque j'ai su trouver cette perle; peut-être en suis-je aimé, à moins que je ne sois trompé par elle, ce qui prouverait encore que d'autres aussi la jugent charmante."

Mais quelle honte que de promener par la ville une femme laide ! Que de choses humiliantes cela laisse entendre ! En principe, on la suppose votre femme légitime, car comment admettre qu'on possède une vilaine maîtresse ? Une vraie femme peut être disgracieuse, mais sa laideur signifie alors mille choses désagréables pour vous....
Maupassant, Mes vingt-cinq jours

J'ai lu

En finir avec Eddy Bellegueule d'Edouard Louis....4 ans après tout le monde, j'ai mis la main sur un exemplaire.......
descente dans un milieu pauvre de Picardie, il s'est est sorti par les études(l'Ecole Normale)...la famille n'avait été très contente de cette description de son enfance miséreuse...je ne me souvenais pas que le fait qu'il soit pède était le nœud du bouquin....berk une femme, ah c'est dégoûtant....
et j'ai lu donc...217 pages en deux jours...et on passe son temps à se demander quelles sont  les parties romancées...
 
p.32 : il n'était pas rare que j'entende dire il est un peu spécial le fils Bellegueule ou que je provoque des sourires moqueurs chez ceux à qui je m'adressais. Mais après tout, étant le bizarre du village, l'efféminé, je suscitais une forme de fascination amusée qui me mettait à l'abri, comme Jordan, mon voisin martiniquais, seul noir à des kilomètres, à qui l'on disait c'est vrai que j'aime pas le Noirs, tu vois plus que ça maintenant, qui font des problèmes partout, qui font la guerre de leur pays ou qui viennent ici brûler des voitures, mais toi Jordan, toi t'es bien, t'es pas pareil, on t'aime bien.
 
p.87 : elle était rentrée irritée un soir après un de ces rendez-vous, dépitée par les tentatives du conseiller d'orientation pour modifier ses projets. Je vois pas pourquoi qu'il me pète les couilles l'autre, je veux faire prof d'espagnol. Mon père Tu dois pas te laisser donner des leçons par un nègre (le conseiller d'orientation était martiniquais).
 
p.152 :...mon cousin a baissé mon pantalon et m'a tendu une des bagues que j'avais ramenées Ah et tiens mats la bague sinon ça sert à rien. J'ai senti son sexe chaud contre mes fesses et puis en moi. Il me donnait des indications Ecarte, Lève un peu ton cul. J'obéissais à toutes ses exigences avec cette impression de réaliser et de devenir enfin ce que j'étais.
 
p.154 : la frénésie  s'emparait de nous. Il ne se passait plus un jour, sans que je retrouve Bruno, mon cousin Stéphane ou Fabien, plus seulement dans le hangar, mais partout où il était possible, comme  nous le disions de jouer à l'homme et à la femme, derrière les arbres au fond de la cour, dans le grenier de Bruno, dans les rues. Je ne me lavais plus les mains quand elles étaient imprégnées de l'odeur de leurs sexes, je passais des heures à les renifler comme un animal. Elles avaient l'odeur de ce que j'étais 
 
p.155: j'étais dans la hangar avec les trois autres. Stéphane était allongé sur mon corps marqué du sceau de la féminité par  la bague que je portais à l'index. Bruno pénétrait Fabien. Ma mère est arrivée. Nous ne l'avions pas vue, elle venait un récipient de verre à la main, rempli de graines pour nourrir les poules. Quand je l'ai trouvée là, devant nous _ trop tard pour apercevoir la rupture, cette seconde où elle avait dû passer de l'état  de la femme qui nourrit ses poules, geste mécanique et quotidien à celui de la mère qui voit sont fils d'à peine 10 ans se faire sodomiser par son propre cousin, elle qui partageait les opinions de mon père sur l'homosexualité.....
 
p.203 : .... à Amiens, la plus grande ville du département, où je n'étais quasiment jamais allé, par crainte. Mon père m'avait toujours dit et répété qu'il y avait beaucoup de personnes de couleur, des personnes dangereuses A Amiens y'a que des Noirs et des bougnoules, des crouilles t'y vas tu crois que t'es en Afrique. Faut pas aller là bas, c'est sûr que tu te fais dépouiller. Il m'avait toujours répété ces phrases, et si je lui rétorquais qu'il n'était qu'un raciste - tout faire pour le contredire, être différent de lui- son discours parvenait à semer le trouble en moi.

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je youtubise, pour voir la tronche de l'auteur...ah ! ...tout s'explique.....
Edouard Louis, "En finir avec Eddy Bellegueule"/ LGL  

lundi 9 juillet 2018

J'ai lu...

L'homme qui m'offrait le ciel....de mam' Beyala....mon premier bouquin de la  dame...par où commencé avec cette personne....
je me souviens qu'elle me faisait peur avec sa voix d'asmathique....la dernière fois que j'ai entendu parler d'elle, c'était parce qu'elle avait pondu un papier faisant l'éloge de Kadafi lors de son voyage à Paris...
lorsque j'étais en Martinique, il y a cette interview où elle était face à Serge Bilé, pendant plus d'une heure, sur ATV...elle parlait fort, elle était là parce qu'il y avait une semaine africaine(???), Bilé l'a regardait fasciné, clignant des yeux toutes les 2 secondes....2 africains donnaient des leçons sur...sur...sur...ce qui devrait aller bien ...aux Antilles.... ouaip !
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quoiqu'il en soit Michel Drucker l'a pécho, sur le mode : je te nique et il est temps que tu dégages....le problème est que ni Drucker(grand mystère audiovisuel : ni drôle, ni bon interviewer, ni beau, ni rien, zéro pertinence) ni Beyala  ne m'intéressent en tant qu'individu, alors en tant que couple au secours.....
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Beyala a un égo boursouflé, elle doit avoir des problèmes de...cou...donc j'ai lu le bouquin sous cet angle, et on n'est pas déçu....
<<vite lu, vite oublié....qui n'a pas été largué ?....le prétexte du bouquin serait la vengeance....tsss !tsss !


p.12 : "pourquoi les hommes ne sont ils pas plus généreux ? Est-ce si difficile ? " Des images cognaient dans ma tête, pêle-mêle : celles pitoyables des mendiants de Calcutta à qui il fallait quelques centimes d'euros pour survivre; celles des enfants aux cous de poulet du Sahel qui pourraient s'engraisser des seules poubelles de l'Occident; celles des femmes empagnées ou voilées qui mangent la poussière devant leurs cases bombardées. Ca se bousculait dans mon crâne et je ne savais plus où ranger toute la misère du monde.
 
p.38 : comme d'habitude, on phrasait beaucoup, on ne solutionnait pas. Tout le monde semblait blasé par le discours sur la mainmise de l'Occident sur l'Afrique. Des hommes bouboutés ou cravatés cachaient leurs bâillements derrière leur main; certains se grattaient le cou, d'autres les aisselles. Des femmes remettaient en place les bretelles de leur soutien-gorge sous le regard gourmand des intellectuels. On écoutait les mêmes frondes depuis les indépendances tcha-tcha : " Les Blancs exploitent nos richesses ! Ils dirigent nos pays par l'entremise des chefs d'état fantoches!". Et après quoi ? . On continuait à téter la même misère . On langeait la même pauvreté. Il ne restait qu'à boire un verre de vin de palme, à se jeter sur le lit et à réciter trois Ave Maria, ça donne de très bons résultats pour espérer. Tout était ennuyeux. J'en avais assez de cette pénurie d'idées de cette indigence de concepts....
 
p.39 : dans le hall de l'hôtel; j'esquivai les gens, 'était mon habitude, j'avais toujours détesté qu'on me reconnaisse. Mais un homme gras au visage tel un masque, planta ses jambes en x devant moi :
- Madame Andela ? me demanda-t-il . Que je suis heureux de vous rencontrer enfin. Il me tendit sa main moite
- je suis un de vos fervents admirateurs. Je lis tous vos articles dans AM.
- merci dis-je en esquissant un sourire
- dites-moi comment avez-vous fait pour vous en sortir ? C'est extraordinaire votre parcours.
- mon parcours ? 20% de chance et 80% de travail . C'est toujours ainsi que je parlais aux Africains, manière de leur dire qu'ils ne s'étaient pas battus, n'avaient pas assez travaillé pour nourrir leurs enfants, protéger leurs femmes. 80% de travail. Oui, il fallait ça. Ils ne l'avaient pas  fait. Ils avaient laissé les Blancs tout leur prendre, leurs terres, leurs corps, leurs sous-sols, leurs rivières, leurs poissons, leurs brousses, leurs montagnes, ils n'étaient pas des hommes, pas des hommes, ils se laissaient manipuler jusque dans leurs pensées, oui leurs pensées, même leurs foutues protestations venaient de l'extrême gauche occidentale, pas des hommes, oui pas des hommes, ils déambulaient ça et là avec les idées d'autrui plein la bouche, infoutus de créer, frimaient dans les avions qu'ils n'avaient pas créés, conduisaient des voitures qu'ils n'avaient pas créées, portaient des costumes cravate qu'ils n'avaient pas créés...pas des hommes, avec des manières qui n'étaient plus d'eux.....
 
p.42 : - paraît qu'ils ont des bangalas tout riquiqui les Blancs. Comment faites-vous pour...?
          - posez donc la question à toutes ces africaines qui, depuis des années, passent leurs journées sur internet pour trouver un mari blanc. Je crains que bientôt en Afrique, il n' y ait plus que des hommes. Vous passerez votre temps à contempler le bangala tout seuls...

p.43 : au plus profond de moi, je m'étais souvent sentie utilisée. J'avais la certitude que chacun cristallisait sur mou ses rêves d'amour ou de richesse, de martyr ou d'héroïsme. Utilisée ma force de travail pour nourrir ma ribambelle de famille; utilisées aussi mes idioties, mes travers, mes coups de gueule, mes faiblesses pour m'anéantir....
 
p.47 : en moi, en Jeanne d'Arc dérisoire, moi qui ne sait que penser aux manifestations pour l'égalité des chances, aux attroupements pour la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité, aux pétitions  contre les injustices...  

p.60 : -je  suis un peu plus âgée que j'en ai l'air, dis-je
          - oui vous les Noirs, avez une peau exceptionnelle. On n'arrive pas à vous donner un âge.
          - c'est parce que les Blancs ne nous regardent que deux fois dans leur vie : la première fois quand on est domestique chez leurs parents et qu'on les lange; la deuxième fois lorsqu'ils sont vieux et que des gardes-malades noirs viennent encore les torcher. Mais rassurez-vous, nous vieillissons
 comme tout le monde. Je débitai ces propos d'un ton de délire sec, alors que je portais la bosse de l'histoire. Je pensais aux difficultés des africains à survivre en occident ,mais les chassai de mon esprit.

p.64 :ma femme ne m'a jamais rien demandé d'autre que de ramener des bonnes notes et les autres femmes m'ont prêté leurs fesses comme des copines, c'est tout.
 
 p.68 : - nos frères noirs ne savent pas aimer, fit-elle. Les blancs aiment mieux.
           - oh les tribunaux sont remplis d'histoires sordides chez les blancs aussi
           - peux-tu me dire pourquoi nos hommes sont-ils si infidèles ?
           - François est marié. Il est blanc. C'est pas une question de couleur de peau, ma chère
           - mais il t'a dit qu'il ne touche plus sa femme, qu'il ne l'aime plus. Qu'elle est devenue sa  maman....

p.112 : notre amour crécellait dans les restaurants à portée des yeux indiscrets. On inventait chaque jour qu'on illuminait avec le chant de notre intimité. On califourchonnait ! On brouettait !On chevrotait ! On soixante-sixtait ! On courcaillait nu dans la maison ! On missionnait ! On vaporisait ! On mordillait ! On s'ébattait telles des abeilles en ruche!
 
 p.115 : je lui parlais des livres que j'avais lu de l'histoire des esclaves dans les plantations, du drame de la colonisation, des minorités visibles, de l'égalité des chance. Il m'écoutait soucieux de capter toutes les vibrations  de ma voix et s'émerveillait de mes connaissances.
- si mes professeurs avaient été aussi pédagogues que toi, disait-il comme un dont le cœur pleure, je pense que j'aurais poursuivi mes études....
 
 p.157: je l'espère vraiment pour toi, maman. Mais pour certains blancs de la vieille génération, nous sommes assimilables aux animaux. En Angleterre ou aux Etats-Unis les noirs sont respectés. Ils se sont battus pour ça. Il n'y a pas de racisme sur leur capacité intellectuelle. Ici beaucoup considèrent que nous sommes des imbéciles bons qu'à balayer et à torcher leurs enfants.
- pourquoi me dis-tu ça ?
- les invités de François sont presque tous des blancs et d'une certaine génération.

p.205 : - on m'oblige à faire un choix. Je ne peux pas laisser tomber mon travail...Imagine que  je la quitte...Que vont dire la presse et la France profonde si on apprenait que j'ai quitté ma femme pour une femme noire ? 
 

dimanche 1 juillet 2018

J'ai lu Noire

de Tania de Montaigne...qui nous était sympathique avant sa misérable tentative d'importer en France l'affaire Saldana/Nina Simone et cet article con dans Libé....
Bon heu ! je savais que derrière le choix de Rosa Parks, il y avait du colorism...mot que miss De Montaigne semble ignorer...avec l'histoire de Claudette Colvin, elle me le confirme....principale qualité du bouquin : 164 pages, ça se lit très très très vite....son style se rapproche de ses chroniques radio....
et j'ai lu des auteurs noirs ricains...donc...bof !
De Montaigne qui écrit sur  Colvin....Confiant qui nous déterre de nul part mam' Steph' Sinclair....
 
p.12: dans mon enfance, il n'y avait plus le visage passé au cirage noir ni la bouche peinte en rouge, Jim Crow n'existait pas, c'était la France des années 1980, mais un comique blanc, qu'on voyait souvent, et que les femmes trouvaient très séduisant d'ailleurs, avait pour habitude d'imiter un "africain". Le personnage n'avait pas de nom, on ne disait pas de quel pays, il était, c'était simplement "l'africain". Bien sûr, je pense que ce comique n'aurait jamais pensé à imiter un personnage appelé "l'européen". D'ailleurs, si on lui avait suggéré, il aurait ri en disant :"ne soyez pas ridicule, l'Europe est un continent, pas un pays, un Norvégien n'a rien à voir avec un Portugais". Mais pour l'Afrique, c'était différent, ça semblait aller de soi. Il y avait une évidence à penser qu'en ces lieux étaient regroupés des gens semblables en tout point, puisque noirs, une masse compacte et uniforme qui d'un bout à l'autre du continent, parlait la même langue, avait la même histoire, la même géographie, le même visage. Dans cette Afrique qui sentait bon l'exposition coloniale, vivaient bien sûr des gens à l'accent ridicule et aux narines gigantesques. En me rappelant ces souvenirs des années 1930, aperçues dans les films ou les livres d'histoire, des souvenirs d'affiches où se déploie en gros plan "le juif avec son nez crochu". "le juif", "l'africain", leur nez parle contre eux. Le nez comme marqueur de l'étrangeté, de l'impossible citoyenneté.
A "l'africain" des années 1980, le comique à la belle allure faisait dire cette phrase dont je me souviens encore avec effroi : "c'est pas mes lunettes, c'est mes narines ! ". Quelle trouvaille. Les gens riaient de cette blague et ceux qui n'en riaient pas étaient accusés de ne pas avoir le sens de l'humour, sous-entendant par là que le comique ne faisait qu'exagérer une évidence et que s'en offusquer, revenait à ne pas tenir compte du réel. "Bah quoi, si on peut plus rire".

p.28 : vous pensez encore comme un citoyen à part entière et vous vous dites que c'est par le vote que les choses changeront. Le pouvoir des urnes, bien sûr. Seulement, pour être enregistré sur les listes électorales, il faut passer un test, le "literacy test", qui mesure votre aptitude à lire, écrire et comprendre la Constitution. Et pour passer ce test, il faut vous inscrire. Quand ? Il n'y a pas de date ni d'heure, à vous de trouver. Sachez quand même que le bureau d'inscription ouvre entre dix heures et midi, quand vous êtes au travail. Comme vous êtes motivé, vous prendrez certainement un congé et vous irez vous placer dans la file d'attente. Là, il faudra encore que vous soyez bien placé parce que, si d'aventure vous n'étiez pas reçu avant midi, les portes fermeraient sans qu'on ait pris la peine de vous inscrire et vous seriez revenu à la case départ. Mais avec un peu de persévérance, vous finirez bien par arriver le bon jour à la bonne heure, n'est- ce pas ? Vous passerez alors le test et répondrez correctement aux 20, 30,40, 50, 60 questions. Félicitations. Puis, vous attendrez le résultat qui vous sera envoyé par la poste. Si vous étiez blanc, on vous le donnerait directement mais dans votre cas, il faut attendre le courrier. Alors , vous attendrez. Au bout d'un moment, n'ayant rien reçu, vous retournerez au guichet de la mairie pour savoir ce qui se passe et on vous dira que vous n'ayez jamais passé le test. Vous vous défendrez, jurant sur ce qui vous est le plus cher que vous l'avez réellement passé, mais devant les dénégations pernicieuses des employés du bureau des élections, vous constaterez que vous n'avez aucune preuve de votre passage. Ce sera votre parole contre la leur. Vous recommencerez donc tout le parcours ou vous baisserez les bras.

p.32 : ...à Montgomery, sur les 36 sièges que compte un bus, il est convenu que les 10 premiers sont réservés aux blancs et que donc logiquement les suivants sont pour les noirs...Mais s'il n'y a pas de place assise dans les premiers rangs et qu'un blanc se trouve dans l'obligation de rester debout, le noir du rang qui suit devra lui céder sa place. A l'inverse, quand tous les sièges des rangs réservés aux blancs sont vides alors que l'arrière du bus, lui, est plein, aucun noir n'est autorisé a s'asseoir chez les blancs...Donc un noir, qui était assis à sa place chez les noirs, s'est levé pour qu'un blanc puisse s'asseoir. Mais comme un blanc ne peut légalement pas être assis à côté d'un noir, ce sont tous les noirs qui étaient assis dans le même rang que celui qui s'est levé qui doivent se lever

p.38 : juste retour des choses pour Claudette qui doit son prénom à l'actrice Claudette Colbert, star des années 1930 et 1940, à la peau d'albâtre, héroïne de Capra, Lubitsch, Wilder, inoubliable Cléopâtre de Cecil B. DeMille. Comme toutes les femmes qu'elle connaît, Claudette  a la haine de soi chevillée au corps, compagne visqueuse qui colle encore aujourd'hui aux pas des femmes et des fillettes noires, partout dans le monde. Compagne perverse qui ferait vendre son âme pour un pot de défrisant, pour un tube de crème éclaircissante. Savoir que l'on peut perdre ses cheveux ou sa peau ne change rien à l'affaire, ce sont les risques du métier, la continuation de la malédiction par d'autres moyens. Que celle qui n'a jamais tiré sur ses cheveux comme on tirerait sur son pire ennemi, que celle qui n’a jamais maudit son nez jamais assez fin, ses lèvres jamais assez minces, que celle qui ne s’est jamais jeté la première pierre lève le doigt . Ne jamais  trouver grâce à ses propres yeux, se voir en creux, s’envisager à travers des images de soi vrillées, c’est notre lot. Rien n’allait rien ne va. Black n’est pas beautiful, partout dans le monde la beauté noire pose encore dans les magazines, peau claire et brushing irréel. Partout dans le monde, la beauté noire secoue au ralenti ses cheveux imaginaires, à peine bouclés, dans des publicités pour shampooings qu’aucune personne noire n’utilise. La beauté noire n’existe pas, elle est en négatif, elle est ce qu’on n’a pas, le peau claire et les cheveux raides. C’était la vie de Claudette Colvin, ce fut la mienne, c’est celle d’une petite fille congolaise croisée dans un bus de Brazzaville, la tête coiffée d’un tissage qui lui fait comme une perruque trop grande. Amérique, Europe, Afrique, quelque chose reste à dépasser, quelque chose reste à inventer. Et en attendant, on défrise, on brûle, on blanchit, on dilue, on achète pour des poignées d’euros des cheveux synthétiques fabriqués à la chaîne ou des cheveux naturels cédés pour presque rien par d’autres femmes d’un autre tiers-monde, on continue à suivre le rythme effréné qu’imposent les canons d’une prétendue beauté universelle.
p.45 : je sais ce sentiment, je le connais par cœur, mélange de « pour vivre heureux, vivons cachés » et de parfaite intériorisation du mécanisme du racisme qui consiste  à ne voir l’autre qu’en masse. Si un noir fait quelque chose de mal, ce sont tous les noirs qui payent. Qu’un seul trébuche et tous seront pointés du doigt. Parce qu’un seul a dit ou fait quelque chose de contrevenant, on pourra dire : « vous les noirs, vous êtes comme si ou comme ça », « vous les juifs vous faîtes ceci ou cela », « vous les musulmans, vous aimez ceci, vous n’aimez pas cela »….Et nous finissons par le croire et nous finissons par le penser et alors ce préjugé devient nôtre et nous nous surprenons un jour de dire face à un évènement qui implique un noir si nous sommes noirs, un musulman si nous sommes musulmans, un juif si nous sommes juifs… « ça n’est pas bon pour « nous » .Qui est ce « nous ». Nous n’en savons rien mais nous pensons désormais qu’il faut en tenir compte. Nous ne « nous » envisageons que parfaits et irréprochables. Ça y est nous avons intégré la pensée raciste, elle modifie notre regard comme une paire de lunettes aux verres déformants. Et c’est une lutte en soi que de ne pas suivre cette pente, que de ne pas se laisser gagner par ce « nous », par le principe de ce qui est « bon pour nous », par la crainte de se faire remarquer, par la peur de ce gendarme devenu intérieur, de ce croquemitaine, par le processus d’une dilution de ce que nous sommes dans le plus petit dénominateur commun.
p.48 : dans cette voiture qui roule vers on ne sait où, les policiers insultent Claudette Colvin. Ils la tutoient, bien sûr. Ils   disent « sale nègre », bien sûr. Ils disent aussi « sale pute noire », parce que c’est une femme et que c’est ce qu’on dit quand on veut souhaiter le pire à une femme, c’est toujours par là que ça passe, par le sexuel jeté au visage, parle déshonneur. Plus de vertu, plus de morale, plus rien à respecter. « Sale pute noire ». Qu’y a-t-il après la pute noire ?....
p.131 : Rosa Parks écrit dans son autobiographie : « je n’avais pas de casier judiciaire, j’avais travaillé toute ma vie, je n’étais pas enceinte d’un enfant illégitime. Les blancs ne pourraient pas me pointer du doigt en disant que j’avais fait quoi que ce soit pour mériter un tel traitement à l’exception d’être née noire. Et l’opinion de tous les acteurs de cette époque converge en un point : Rosa Parks était la seule personne qui pouvait permettre que tout  arrive.
p.132 : Rosa Parks, bien que modeste, pouvait parler à la classe moyenne, elle en avait d’ailleurs l’allure, les codes, les fréquentations. Avec sa peau claire et ses cheveux raides, elle était une émanation acceptable pour les blancs et enviable pour les noirs. Elle avait une vie accomplie, impossible donc de s’y projeter en présageant du pire…

 P.134 : ….quant à Rosa Parks, l’autre la vraie, celle qui n’intéresse personne et vit dans les coulisses de sa propre existence, elle a été licenciée au tout début de l’année 1956. Peu de temps après son mari Raymond a démissionné du salon où il officiait  comme coiffeur, son employeur ayant interdit que le nom de Rosa soit prononcé dans ses locaux. Les Parks sont donc sans ressources.

vendredi 15 juin 2018

En juin

Je lis Le Bataillon créole de Confiant....
 
Qu’est-ce que le «bataillon créole» ?
Il s’agit de la désignation officielle, par les autorités militaires françaises, des soldats antillais, guyanais et réunionnais, engagés, durant la Première Guerre mondiale, à la fois sur le front européen et sur le front d’Orient. En 1914, pour la première fois, ceux-ci furent intégrés à l’armée française en tant que soldats de plein exercice, et non comme volontaires comme cela avait toujours été le cas. Ce changement de statut s’inscrit dans le cadre d’une revendication ancienne, visant à transformer les «vieilles colonies» (Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion) en départements français. Le bataillon créole monta donc au front avec l’idée de payer ce qu’on appela à l’époque «l’impôt du sang».

A-t-il été difficile de vous documenter sur le sujet ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il existe un nombre respectable d’archives tant en France qu’aux Antilles concernant la vie de nos soldats : leurs difficultés d’adaptation, les combats auxquels ils ont participé, ceux qui tombèrent au champ d’honneur, les décorations qu’ils ont obtenues… Il existait même un échange de courriers réguliers entre les soldats créoles et leurs familles restées au pays, y compris quand les premiers avaient été faits prisonniers par les Allemands et croupissaient dans des camps. A côté de toutes ces sources écrites, il y a aussi la mémoire collective. Nos Gueules cassées, rentrés au pays souvent mutilés ou gazés, ont raconté leur guerre à leurs enfants, lesquels l’ont racontée à leur tour à leurs propres enfants. Au sein de ma famille, j’ai toujours entendu des anecdotes à propos des deux guerres mondiales du XXe siècle.

Que disaient-elles ?
L’accueil très mitigé fait aux soldats créoles, les insultes à connotations racistes : «Blanchette», «Chocolat», etc. Les conscrits français ignoraient pour la plupart l’existence des Antilles et le désir des conscrits créoles, leur empressement même à vouloir payer l’impôt du sang, leur semblait bizarre. D’autres anecdotes sont liées au climat et aux angines, fièvres, pneumonies qui, au début, envoyèrent à l’hôpital une bonne partie du bataillon créole. Mais c’est apparemment le front d’Orient qui a le plus frappé les esprits et notamment la bataille des Dardanelles, en Turquie. Ah, et il y a aussi le fait que pour la première fois, des Antillais tombaient sur des Blancs qui soit ne savaient pas lire, soit ne comprenaient carrément pas le français, comme les Bretons.

Comment avez-vous préparé l’écriture de ce roman ?
Je me suis référé d’abord aux sources orales : mémoire familiale, entretiens avec des personnes ayant vécu la période qui sert d’arrière-plan à mon récit ou alors avec leurs descendants ; ensuite, dépouillement des archives (et là, je veux rendre hommage à la Bibliothèque Schœlcher de Fort-de-France et à son personnel à la fois dévoué et compétent). Tout ce matériau rassemblé est malaxé. Car, j’insiste, je n’écris pas de romans historiques, je crée mes personnages et je tresse des histoires autour d’eux en liaison avec la toile de fond historique. Pour le Bataillon créole, j’ai imaginé qu’ils se rendaient à tour de rôle au pied de la seule statue du Soldat inconnu nègre de la Martinique, située dans la commune du Lorrain, et qu’ils évoquaient leur fils, frère, père ou neveu parti au front, soit en Europe soit en Orient.

Parmi ces personnages, un seul raille constamment la fierté des Martiniquais pour cet «impôt du sang» versé à la «mère-patrie». Partagez-vous son point de vue ?
J’essaie d’éviter de tomber dans l’anachronisme. Je ne suis pas un homme du tout début du XXe siècle comme mes personnages : je n’ai pas eu comme eux la transmission directe des souffrances héritées de l’esclavage ; je n’ai pas ressenti d’amour particulier pour Victor Schœlcher l’abolitionniste, ni de détestation non plus d’ailleurs ; je n’ai pas vu la France comme un recours face à l’omnipotence des Békés… J’ai essayé de retraduire les sensibilités de cette époque, et en toute honnêteté, on se doit de reconnaître qu’il y avait chez la majorité des Martiniquais un amour pour celle qu’ils nommaient «la mère-patrie», à savoir la France. Il y avait aussi des réfractaires, tel mon personnage de Bougre Fou que vous évoquez, mais son sobriquet indique dans quelle considération il était tenu.

Pourquoi avez-vous choisi de diviser le récit en cinq «cercles» ?
Je construis mes romans de manière non linéaire, presque circulaire. Cela signifie que les micro-récits qu’ils contiennent s’entrecroisent les uns les autres dans une temporalité qui est celle de la réalité créole. Il y a le temps occidental, mesuré par les horloges ou les montres, et le temps des vaincus, des dominés, des colonisés, qui lui est un temps brisé, chaotique, imprévisible et surtout non linéaire. Chaque cercle rassemble donc des micro-récits que l’on retrouvera, mais dans un autre ordre, dans les cercles suivants.

Le Bataillon créole est un nouvel épisode de ce que vous appelez votre «Comédie créole». En quoi consiste-t-elle ?
C’est un projet vieux de vingt-cinq ans, qui a commencé avec mon premier roman en français, le Nègre et l’Amiral, publié aux éditions Grasset en 1988. Il vise à revisiter les trajectoires historiques des différentes populations qui ont constitué le peuple martiniquais : les Noirs, les Blancs, les Indiens, les Chinois et les Syro-libanais. Il consiste également à remettre en perspective certains événements marquants de l’histoire martiniquaise, comme la destruction de la ville de Saint-Pierre et de ses 30.000 habitants par la montagne Pelée en 1902, la guerre de 1914-18, le Tricentenaire du rattachement des Antilles à la France en 1935, la Deuxième guerre mondiale, etc. Cette Comédie créole n’est pas achevée car j’envisage d’évoquer les tout premiers habitants de la Martinique, les Amérindiens Caraïbes, ou encore les Nègres-Congo, venus chez nous après l’abolition de l’esclavage. C’est un projet qui, en fait, n’a pas de fin. Seules la maladie ou la mort pourront m’empêcher de le poursuivre.
http://next.liberation.fr/livres/2013/11/14/raphael-confiant-des-antillais-tombaient-sur-des-blancs-qui-soit-ne-savaient-pas-lire

 
je le répète, son style est riche, fleuri,  il écrit bien, il tord la langue française... mais zéro sens du récit...qui est qui, qui fait quoi....
il est bien meilleur que Danny Lafferrière....mais y'a un hic....les parties sur le bataillon créole  sont ratées, il aurait dû choisir un angle et s'y tenir...c'est trop...dispersé...on fait du sur place....

p.30 : l'impossibilité que nous avons à concevoir un monde où notre race ne serait pas la dernière après les crapauds ladres ou l'avant-dernière puisqu'on avait transbordé depuis l'Inde de plus miséreux que nous. Blanc en haut, Nègres en bas, Mulâtre et consorts au mitan, et tout au fond, les Indiens-Koulis si faméliques, au regard comme toujours ravagé par une fièvre. Tel était l'ordonnancement d'ici-là et personne n'y pouvait rien. Même pas Dieu le père, nous martelait l'abbé Bauer, celui qui dans les homélies ne manque jamais d'évoquer son Alsace natale où à l'entendre, les fidèles de la Sainte Eglise catholique ne se comportaient pas en mécréants et ne se livraient à aucune vagabondagerie comparable aux nôtres. La Bible est formelle: Noé, en maudissant son fils Cham qui s'était moqué de sa nudité au lieu de la couvrir comme ses frères Japhet et Sem, vous a condamnés à une vie de souffrances éternelles. Expiez ce péché originel de votre race si vous voulez avoir une petite chance de gagner le purgatoire.

p.47 :  Avec son instruction, on ne fera pas attention à sa couleur . C'est vrai qu'il est noir presque bleu, mais ce qui compte de nos jours, c'est le métier qu'on a entre les mains et mon fils en a un que beaucoup de jeunes Mulâtres lui envient. Et puis il faut bien éclaircir la race, hein ? On ne va quand même pas rester dans la noirceur jusqu'à la fin des temps ! Je veux des petits enfants à la peau claire et aux cheveux plats. Enfin à demi plats...

p.115 : ils font peu cas de nous. Ne nous adressent presque jamais la parole. Se moquent de notre créole et nous demandent de cesser de leur casser les oreilles avec notre charabia. Aucun d'eux ne sait où se trouvent la Martinique ou la Guadeloupe. Ils croient que nos îles se situent quelque part en Afrique et c'est pourquoi ils nous qualifient tous de "Bamboula" comme si nous n'avions ni nom ni prénom....

p.136 : nos frères d'armes africains étaient les plus mal lotis : ils étaient repoussés par les soldats blancs lorsqu'ils tentaient de s'approcher de trop près des feux et leur religion leur interdisait de boire de l'alcool. Peu d'entre eux savaient parler français et ils nous observaient, nous les Créoles comme des bêtes curieuses, tenant dans leurs langues des propos d'évidence peu amènes à notre endroit. Il est vrai qu'ils étaient toujours les derniers servis lors des repas. D'abord les Blancs, puis les Antillais, ensuite les Arabes et enfin les Africains...

p.142 : quand  il venait nous distribuer notre courrier, il regardait attentivement les adresses et quand il s'agissait de quelque ville ou bourg de France, il le tendait à qui de droit après avoir aboyé son nom. Par contre  tout ce qui de droit après avoir aboyé son nom. Par contre tout ce qui était marqué Martinique, Guadeloupe, Maroc ou Sénégal, était jet par terre tandis que dans un mauvais français, il s'écriait, nous dévisageant à tour de rôle comme des animaux de quelque zoo : - toute façon Nègres pas savoir lire, maudits Nègres...Beaucoup trop de Nègres en France !

p.297 : la simple rumeur donc s'était transformée en nouvelle, laquelle s'était vite muée en certitude absolue quand les journaux de l'En-Ville, vendus à la boutique de Mamzelle Volcan confirmèrent ce que tout un chacun redoutait plus que tout : la France avait décidé d'offrir les Antilles françaises aux Etats-Unis en guise de remboursement des dettes de guerre qu'elle avait contractées à l'égard de ces derniers................devenir américain ne disait rien de bon à qui que ce soit d'autant que certains certifiaient savoir de source sûre que dans ce pays-là, on n'aimait pas les Nègres et même qu'on les y lynchait par plaisir