samedi 13 juin 2020

Je lis

à 7h du mat', j'essayais de savoir pourquoi "ma grosse chanteuse préféré" était trending sur twitter...j'apprends que Fatou Diomé( je suis en possession de Préférence nationale et Le ventre de l'atlantique), l'est aussi à cause d'une interview dans le Monde au titre racoleur, voire pute :

https://femme-noire-et-negritude.blogspot.com/2013/09/le-ventre-de-latlantique.html
https://femme-noire-et-negritude.blogspot.com/2013/09/le-ventre-de-latlantique-part-ii.html


« La rengaine sur la colonisation et l’esclavage est devenue un fonds de commerce »
ils se sont jetés dessus...l'article remonte à août 2019...manifestement propos tenue en période estivale, donc tout le monde s'en fout...mais depuis Mr Floyd est mort, et il y a une manif cette après-m' contre...euh...

L’écrivaine franco-sénégalaise s’exprime sans filtre sur son enfance, l’immigration, le féminisme, ou la pensée « décoloniale » qui a le don de l’irriter…

Vous épousez ensuite un Alsacien et vous vous installez à Strasbourg. En France, vous découvrez une autre forme de violence, le racisme. Comment y avez-vous survécu ?
En m’appropriant ce que je suis. J’ai appris à aimer ma peau telle qu’elle est : la couleur de l’épiderme n’est ni une tare ni une compétence. Je sais qui je suis. Donc les attaques des idiots racistes ne me blessent plus.

Etre une auteure reconnue, cela protège-t-il du racisme ?
Reconnue ? Non, car la réussite aussi peut déchaîner la haine. On tente parfois de m’humilier. C’est, par exemple, ce policier des frontières suspicieux qui m’a fait rater mon vol car il trouvait douteux les nombreux tampons sur mon passeport, pourtant parfaitement en règle. Ou ce journaliste parisien qui m’a demandé si j’écrivais seule mes livres, d’une structure trop complexe selon lui pour une femme dont le français n’est pas la langue maternelle. Ou encore cette femme qui, dans un hôtel, m’a prié de lui apporter une plus grande serviette et un Perrier… Le délit de faciès reste la croix des personnes non caucasiennes.
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Qui la trahit, cette France ?
Ceux qui lui font raconter le contraire de ce qu’elle a voulu défendre. Pour bien aimer la France, il faut se rappeler qu’elle a fait l’esclavage et la colonisation, mais qu’elle a aussi été capable de faire la Révolution française, de mettre les droits de l’homme à l’honneur et de les disperser à travers le monde. Aimer la France, c’est lui rappeler son idéal humaniste. Quand elle n’agit pas pour les migrants et les exploite éhontément, je le dis. Quand des Africains se dédouanent sur elle et que des dirigeants pillent leur propre peuple, je le dis aussi. Mon cœur restera toujours attaché à la France, et ce même si cela m’est reproché par certains Africains revanchards.

Vous estimez donc que le mouvement de la décolonisation de la pensée et des savoirs, porté par un certain nombre d’intellectuels africains et de la diaspora, n’est pas une urgence ?
C’est une urgence pour ceux qui ne savent pas encore qu’ils sont libres. Je ne me considère pas colonisée, donc ce baratin ne m’intéresse pas. La rengaine sur la colonisation et l’esclavage est devenue un fonds de commerce. Par ailleurs, la décolonisation de la pensée a déjà été faite par des penseurs tels que Cheikh Anta Diop, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor ou encore Frantz Fanon. Avançons, en traitant les urgences problématiques de notre époque.

A l’échelle de la longue histoire entre l’Afrique et l’Occident, ce travail de décolonisation de la pensée, débuté il y a quelques décennies, n’est peut-être pas achevé ?
Je pense, comme Senghor, que nous sommes à l’ère de la troisième voie. Nous, Africains, ne marchons pas seulement vers les Européens ; eux ne marchent pas que vers nous. Nous convergeons vers la même voie, la possible conciliation de nos mondes. La peur de vaciller au contact des autres ne peut vous atteindre quand vous êtes sûr de votre identité. Me concernant, ce troisième millénaire favorise la rencontre. Je sais qui je suis, je ne peux pas me perdre en Europe car, non seulement je récite mon arbre généalogique, mais je séjourne régulièrement dans mon village.

Après tous les efforts de Senghor, Césaire, Fanon, en sommes-nous encore à nous demander comment nous libérer de l’esclavage et de la colonisation ? Pendant ce temps, où nous stagnons, les Européens envoient [la sonde] Philæ dans l’espaceL’esclavage et la colonisation sont indéniablement des crimes contre l’humanité. Aujourd’hui, il faut pacifier les mémoires, faire la paix avec nous-mêmes et les autres, en finir avec la littérature de la réactivité comme le dit si bien l’historienne Sophie Bessis.

Cette histoire dramatique, loin d’être un chapitre clos, continue pourtant de marquer le présent des Africains et les relations avec d’anciennes puissances coloniales…
Pour moi, il y a plus urgent. La priorité, c’est l’économie. Faisons en sorte que la libre circulation s’applique dans les deux sens. Aujourd’hui, depuis l’Europe, on peut aller dîner à Dakar sans visa. Le contraire est impossible, ou alors le visa vous coûtera le salaire local d’un ouvrier. Pourquoi attendre une forme de réparation de l’Europe, comme un câlin de sa mère ? Pourquoi se positionner toujours en fonction de l’Occident ? Il nous faut valoriser, consommer et, surtout, transformer nos produits sur place. C’est cela l’anticolonisation qui changera la vie des Africains et non pas la complainte rance autour de propos tenus par un De Gaulle ou un Sarkozy.

La tentation est grande de partir vu le manque d’infrastructures dans de nombreux pays africains. Comment rester quand le système éducatif est si défaillant ?
La responsabilité revient aux dirigeants. Ils doivent miser sur l’éducation et la formation pour garder les jeunes, leur donner un avenir. Il faudrait que les chefs d’Etat respectent plus leur peuple. Il n’y a qu’à voir le silence de l’Union africaine face au drame des migrants. Quand les dirigeants baissent la tête, le peuple rampe.

Quel regard portez-vous sur le durcissement de la politique migratoire européenne ? Dernier acte en date, le décret antimigrants adopté par l’Italie qui criminalise les sauvetages en mer…
L’Europe renforce sa forteresse. Mais qui ne surveillerait pas sa maison ? Les pays africains doivent sortir de leur inaction. Pourquoi n’y a-t-il pas, par exemple, de ministères de l’immigration dans nos pays ? C’est pourtant un problème majeur qui touche à l’économie, la diplomatie, la santé, la culture. Si l’Afrique ne gère pas la situation, d’autres la géreront contre elle. Elle ne peut plus se contenter de déplorer ce que l’Europe fait à ses enfants migrants

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