mercredi 3 mars 2021

Qui ça ?

 Paulette Nardal...
non seulement j'apprends son existence dont je ne sais pas quoi faire, mais qu'en 2019, il y avait beaucoup d'articles sur sa réhabilitation, reconnaissance suite à la parution d'un bouquin que le radar n'a pas détecté....
Paulette Nardal et les autres ne laissèrent que des articles publiés dans diverses revues, par exemple « Internationalisme noir » de Jane Nardal (formulé dans La dépêche africaine, en 1928) et, en premier lieu, La revue du monde noir (RMN), éditée à Paris entre novembre 1931 et avril 1932. Seize mois durant lesquels furent publiés six numéros.
Principalement co-fondée par Léonidas Sajous, originaire d'Haïti, et Paulette Nardal, arrivant au sein du paysage intellectuel et culturel nègre parisien après d'autres publications (La race nègre, Le cri des nègres, La dépêche africaine, etc.), qui, elles-mêmes, faisaient écho au mouvement de la Negro renaissance à Harlem à New York et à la pensée Indigène à Haïti, la RMN se démarqua en se voulant « essentiellement culturelle » , analyse Jack Corzani.
Que proclamait la RMN dans son manifeste ? « Ce que nous voulons faire : donner à l'élite intellectuelle de la Race noire et aux amis des Noirs un organe où publier leurs oeuvres artistiques, littéraires, ou scientifiques. Etudier et faire connaître par la voix de la presse, des livres, des conférences ou des cours, tout ce qui concerne la Civilisation Nègre, et les richesses naturelles de l'Afrique, patrie trois fois sacrée de la Race noire. Créer entre les Noirs du monde entier, sans distinction de nationalités, un lien intellectuel et moral qui leur permette de mieux se connaître, de s'aimer fraternellement, de défendre plus efficacement leurs intérêts collectifs et d'illustrer leur race (...) » .
L'option d'une revue bilingue, français et anglais, caractérisa aussi la RMN, qui découlait de « la culture de ces jeunes Antillaises francophones poursuivant des études d'anglais à la Sorbonne ou familiarisées avec cette langue au cours de vacances aux Antilles anglaises » , note Louis Thomas Achille. Ce dernier, qui préfaça la réédition, en 1992, des six numéros de la RMN par l'éditeur Jean-Michel Place, signalait que si il est vrai que ni Césaire, Damas ou Senghor ne portèrent de contributions à la RMN, par contre ils comptèrent parmi les visiteurs de Clamart, localité située à la périphérie de Paris.
Au 7 de la rue Hébert, pas très loin de la gare, les Nardal prirent leurs quartiers, ouvrirent un « salon » dominical, point de passage de l'intelligentsia nègre francophone ou anglophone, forcément sensible à cet accueil « raffiné » , ou à ce thé à l'anglaise servi pour entrecouper les conversations sur « l'actualité parisienne ou mondiale, en évitant d'éventuels choix politiques personnels ; on réfléchissait sur les problèmes coloniaux et interraciaux, sur la place croissante prise par les hommes et femmes de couleur dans la vie française, on s'alarmait de toute manifestation de racisme pour aller la combattre ailleurs, avec des moyens appropriés » .
Clamart précéda la publication de La Revue du monde noir et les textes majeurs de la Négritude. Le lien de parenté est indiscutable.

Née en 1896 en Martinique, Paulette Nardal était l'aînée d'une famille de sept sœurs qui ont ouvert la voie à ce courant littéraire et politique, principal mouvement d'émancipation des Noirs francophones au XXe siècle. Etudiantes à Paris dans les années 20, les sœurs Nardal tiennent salon dans leur maison de Clamart. S'y croisent des artistes qui portèrent la Harlem Renaissance, comme le célèbre militant panafricaniste Marcus Garvey, le romancier jamaïcain Claude McKay, mais aussi Aimé et Suzanne Césaire, le politicien Félix Eboué, le jeune Senghor que Paulette Nardal fait inscrire à l'université, et de nombreux autres étudiants, militants des droits civiques balbutiants.
Avant de recevoir tous les membres de l'intelligentsia noire de passage en métropole, les filles Nardal, dans l'ordre Paule, dite Paulette, Emilie, Alice, Jane, Lucy, Cécyl et Andrée, grandissent au François, une commune de l'est de la Martinique. Leur père, Paul Nardal, petit-fils d'esclave affranchi, est le premier ingénieur noir de l'île. Leur mère, Louise Achille, est une institutrice mulâtresse. La famille Nardal est mélomane : Louise transpose à merveille, les sept sœurs composent et interprètent. La maison familiale aux nombreux convives préfigure le salon de Clamart. Issues de la classe moyenne supérieure, les sept sœurs reçoivent une éducation «latine». Elles font leurs humanités, apprennent l'histoire de l'art occidental, dansent valses, quadrilles et feignent de mépriser la biguine. Trop créole. «Aux Antilles, on se méprise de nuance de peau à nuance de peau, soupire Paulette Nardal dans ses mémoires, et à cette époque, les Noirs ne pouvaient espérer obtenir ce qu'avaient ceux qui avaient le teint clair.» Elle affirme que l'ascension de leur père, administrateur public respecté, a été entravée par cette hiérarchisation sociale tacite qu'on appelle «colorisme». Les parents Nardal transmettent à leurs filles le goût de l'éducation, mais théorisent peu la question de l'égalité raciale, à laquelle ils sont moins sensibles. Peut-être est-ce en partie générationnel, sans doute est-ce lié à leur culture politique conservatrice. «Pensez-y toujours, n'en parlez jamais.» En France métropolitaine, avant la Première Guerre mondiale, l'expression évoque l'Alsace et la Lorraine. En Martinique, elle désigne la «question noire». C'est lorsqu'elles quittent «l'Ile aux fleurs» que les sœurs entament leur réflexion sur l'identité noire.

En 1920, Paulette a 24 ans. Elle quitte la Martinique, son travail d'institutrice, et part suivre des études d'anglais à Paris. Avec sa sœur Jane, qui choisit la littérature, elles sont les premières étudiantes noires inscrites à la Sorbonne. Paulette consacre son mémoire à Harriet Beecher Stowe et la Case de l'oncle Tom. Elle s'enthousiasme pour les negro spirituals, la cantatrice Marian Anderson et l'inévitable Joséphine Baker. En assistant à ces revues, Paulette Nardal s'éveille à ce qu'elle et Jane appellent la «conscience noire». «Quand je suis arrivée, je n'étais que mademoiselle Nardal. C'est en France que j'ai pris conscience de ma différence. Il y a certaines choses qui me l'ont fait sentir, et puis il ne faut pas oublier que nous avons été élevées dans l'admiration de toutes les œuvres produites par les Occidentaux. Inutile de vous dire à quel point j'ai été heureuse et fière de voir comment les Parisiens, les Français pouvaient vibrer devant ces productions noires», raconte-t-elle à Philippe Grollemund.
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En 1939, la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France surprend Paulette Nardal en Martinique. Elle décide de retourner en métropole, mais le bateau qui l'y conduit est torpillé. Pendant un an, elle reste hospitalisée à Plymouth, sous les bombardements, avant de rentrer définitivement aux Antilles. Lourdement handicapée, atteinte d'un stress post-traumatique, elle souffrira de cette blessure à vie. Contrainte, elle réduit ses activités, mais fonde néanmoins à la fin de la guerre le Rassemblement féminin, un mouvement pour inciter les Martiniquaises à exercer leur droit de vote récemment acquis. Elle crée un nouveau journal, la Femme dans la cité, travaille ponctuellement pour les Nations unies. Au pays, les sœurs Nardal tentent de populariser l'art noir découvert à Paris. Peine perdue, selon Paulette : «Je me souviens qu'à son retour, ma sœur Jane a essayé de faire une conférence sur les negro spirituals. Elle s'est heurtée à une telle incompréhension qu'elle a presque perdu contenance.» Les engagements féministes et antiracistes, la détestation virulente du communisme, la ferveur catholique : Paulette Nardal rentre difficilement dans une case idéologique. Et cela déplaît : en 1956, un inconnu jette une torche enflammée par la fenêtre de sa maison. Sa famille la convainc de cesser ses activités politiques. Paulette Nardal fonde une chorale et, peu à peu, se dédie à ses activités musicales. Avec ses sœurs et son père, elles habitent la maison familiale de la rue Schœlcher, à Fort-de-France. Toutes se sont mariées, ont eu des enfants. Paulette, elle, trouve «l'affirmation de [son] indépendance dans [son] célibat».

Elle reprochera longtemps aux hommes de la négritude d'en avoir éclipsé les femmes, tout en reconnaissant, toujours ambivalente, qu'ils avaient exprimé avec «beaucoup plus d'étincelles» les idées qu'elle et Jane «brandissaient». Quand Césaire fonde Tropiques, sa revue surréaliste, Nardal admet son intérêt poétique, mais relève, amère, «l'admiration béate» pour l'ancien maire de Fort-de-France. «Sa plume a été provocante, mais lui n'a jamais été exposé à aucun danger.» A la fin de sa vie, son œuvre fait l'objet d'une reconnaissance tardive. Senghor cite, enfin, son influence. Ses travaux suscitent un regain d'intérêt, particulièrement aux Etats-Unis. L'intégrale de la Revue du monde noir est rééditée en 1992. Et cette année, deux rues, à Paris et à Clamart, prendront les noms de Paulette et Jane Nardal.
https://www.liberation.fr/debats/2019/02/26/paulette-nardal-theoricienne-oubliee-de-la-negritude

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